Zéro-Covid, milles clameurs — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Xi est tout puissant. Le 20e Congrès du Parti communiste vient de l’acclamer une fois de plus. La Chine ne va pas vaciller. Mais la surprise est totale. Dans les villes, dans les universités, dans les usines, des milliers de personnes osent défier le régime. Le drame d’Urumqi où les mesures sanitaires ont empêché les secours d’intervenir sur un incendie, et causé des morts, a choqué les habitants. On a même entendu de sonores « Xi Jinping démission ! Parti communiste démission ! Nous voulons plus de liberté !» Il n’y a plus eu de contestation de cette ampleur depuis Tian’anmen, en 1989. On se souvient du chauffeur de tank évitant un manifestant, dans un réflexe d’automobiliste prudent, et non de soldat zélé. L’image est restée comme la marque indélébile de la Chine répressive. La révolte est d’autant plus étonnante que le régime a su jusqu’ici étouffer toute protestation. Il proposait à la classe moyenne montante de prospérer, et de s’en contenter.

Les Chinois regardent volontiers les matchs de la Coupe du monde de football. Ils découvrent les stades où des milliers de spectateurs chantent, hurlent ensemble. Et eux sont enfermés par millions, et condamnés au silence parce que l’on a découvert un malade dans l’immeuble du coin. On a appris un peu partout au monde à vivre avec le virus. L’absurdité de la méthode chinoise leur saute aux yeux.

Peut-on emprisonner des millions de personnes plusieurs années de suite pour prouver au monde que le système chinois est le meilleur ? Car c’est de cela dont il s’agit aussi. Xi veut faire la démonstration de la nation supérieure. Il s’inquiète de son pouvoir, non du bien-être de son peuple, c’est le propre de la dictature. Une démonstration idéologique quoi qu’il en coûte.

Car l’économie en pâtit. La croissance est encore positive, mais faible. Pour la Chine conquérante, une récession déjà. Les perturbations des confinements à répétition viennent s’ajouter aux effets de la guerre en Ukraine et de la crise démographique. De mauvaises nouvelles qui perturbent la grande marche en avant et mettent en péril le défi chinois de disputer la première place aux États-Unis.

« On veut la liberté d’expression, on veut la liberté démocratique ! », crient les manifestant. Les protestations chinoises sont bienvenues dans une époque où certains jugent que la sécurité et l’ordre exigent des régimes forts et que la liberté n’est pas si essentielle. La tentation autoritaire trouve des partisans un peu partout, y compris dans nos pays démocratiques. « Les émotions collectives, ou les colères imprévues, sont assurément un facteur-clé de l’histoire, qu’aucune intelligence artificielle ou humaine ne sera jamais capable d’anticiper », dit l’éditorialise Pierre Haski.

Les clameurs de Shanghai ou de Pékin sonnent heureusement à nos oreilles. Ce qui se joue là-bas n’est pas anodin, ni ne concerne que le peuple chinois. Démocratie contre autoritarisme, c’est l’enjeu du siècle qui s’en vient. Des Chinois courageux, comme les femmes en Iran, nous montrent la voie. La liberté est décidément contagieuse. Tant mieux.

André Crettenand