Zemmour, l'autre nom de la France nostalgique — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Eric Zemmour n’est pas encore candidat déclaré, mais il est déjà en campagne. Les séances de signatures et les conférences ressemblent à des meetings. Il y avait 3’700 personnes lundi au Palais des Congrès à Paris pour assister à un débat Zemmour-Onfray. Un public conquis le suit, l’acclame. On ne sait plus si c’est le polémiste ou le politique qui discourt. Peu importe pour ses partisans, du moment qu’il dit tout haut ce qu’ils pensent tout bas.

A savoir que la France est menacée. Par les immigrés, par les musulmans, par les étrangers, par le grand « remplacement ». Qu’elle est vouée à disparaître, à perdre son identité. La France serait fichue. La mondialisation lui aurait porté un coup fatal. « Elle est en danger de mort », dit-il.

Eric Zemmour puise aussi dans ce fond nostalgique qui étreint la France depuis plusieurs années. Nostalgie des Trente Glorieuses, du plein emploi, du rôle autrefois jugé prestigieux de la France.

Le mythe du sauveur

La France aurait donc besoin d’un sauveur. C’est en tous cas le récit qu’il veut imposer. « La France n’a pas dit son dernier mot », écrit-il, en guise de promesse. C’est bien sûr une image biaisée de la France. L’âge d’or est souvent un souvenir embelli. Mais elle séduit, y compris dans la droite historique. Ce serait même la clé du succès, pense-t-il, la jonction entre la classe populaire et la bourgeoisie patriote.

Il y a du Trump chez Zemmour. Hâbleur, il n’a peur de rien, ni des aberrations, ni des pires propos. Il réhabilite le régime de Vichy, il affirme que Pétain aurait sauvé les Juifs français. Il lâche lundi soir que les mesures qu’ils préconisent seront en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits humains. Voilà de quoi inquiéter. Et qui fait écho à ce qui se passe en Pologne, en Hongrie, où les institutions de l’Etat de droit sont la première cible de dirigeants en quête de pouvoir absolu.

Mais pas de programme pour l’instant, que des opinions. Et pas de parti, mais on n’en a pas besoin. Il n’y a plus de partis, il n’y a que des mouvements explique Ariane Chemin dans un récent article du Monde (le 2 octobre). « Au cours des dernières décennies, écrit-elle, les grands récits idéologiques du 20e siècle se sont peu à peu effondrés ». La gauche et la droite historiques en pâtissent. A la dernière présidentielle, ils étaient absents au second tour.

Emmanuel Macron toujours en tête

Le score d’Eric Zemmour n’est pas circonstanciel. Difficile de dire, en revanche, si le phénomène est durable ou si on observe une bulle médiatique. Eric Zemmour bénéficie d’une visibilité exceptionnelle. Il n’a jamais été aussi présent dans les médias que depuis qu’il a perdu son poste d’éditorialiste sur CNews. Notons qu’en additionnant les intentions de vote pour Eric Zemmour et Marine Le Pen, on est autour de 30%. Signe que le pays ne va pas bien, qu’il est malheureux, divisé, qu’il cherche son chemin, et divague.

Il y a un autre résultat étonnant dans ces sondages de pré-campagne. Macron est toujours en tête des intentions de vote, ce qui est un exploit dans cette France qui s’ennuie vite, rêve de changement permanent, qui a besoin qu’on l’étonne et la divertisse.

André Crettenand