Zelensky, maître des horloges — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Les pressions viennent de partout. L’Italie a proposé un cessez-le-feu. A Davos, Henry Kissinger suggère, lui aussi, que l’Ukraine cède des territoires. La « Realpolitik », chère à l’ancien secrétaire d’Etat.

Les Américains, eux, jugent le moment propice pour affaiblir durablement la Russie. Ils avaient proposé à Zelensky au début du conflit de l’exfiltrer, se voyant rétorquer un mot qui deviendra historique : « Je n’ai pas besoin d’un taxi, mais de munitions ». Il a été entendu : le Congrès a voté pour 40 milliards d’aide à l’Ukraine. Le matériel fourni, détaillé sans complexe par les États-Unis, est impressionnant. Une aide aussi massive devrait peser sur l’issue de la confrontation.

Et les Américains ne cachent pas leurs intentions. « Nous voulons que la Russie soit affaiblie au point de ne plus être en mesure de faire ce qu’elle a fait lors de l’invasion de l’Ukraine », déclare le secrétaire de la Défense, Lloyd Austin. Et Biden ajoute : « La Russie doit payer un prix à long terme ». Nous avons enfin appris à lire les discours de Poutine, nous devons donc aussi écouter attentivement les intentions américaines. L’Ukraine est le terrain d’affrontement privilégié entre les États-Unis et la Russie, et il est aussi l’observatoire parfait pour de futurs conflits.

Précisément, Joe Biden vole vers l’Asie. Comme pour signifier qu’il faut désormais passer à un autre front, autrement compliqué. Il fait escale en Corée du Sud. Au Nord, un voisin agressif et tortueux travaille sur des missiles nucléaires. Puis, Biden fait halte au Japon pour un sommet du Quad, acronyme ronflant de l’alliance qui réunit les États-Unis, l’Inde, l’Australie et le Japon.

Taïwan est le souci. La Chine observe la scène ukrainienne, note, étudie. Elle apprend. Elle ne fera pas les mêmes erreurs que Poutine. Elle ne sous-estimera pas l’adversaire. Le président Xi Jinping est un impatient, mais la Chine a le temps. Elle a des vues sur des territoires de l’Inde, sur les mers de Chine. L’Indo-Pacifique est l’espace géostratégique de tous les dangers. Joe Biden l’avait identifié, théorisé, annoncé, avant que la Russie ne perturbe le calendrier. Le Quad s’est mobilisé récemment sur les vaccins, il travaille désormais sur la sécurité. Autre effet de l’invasion russe en Ukraine.

Volodymyr Zelensky était déjà le roi de la communication, il est désormais le maître des horloges. Non qu’il ait gagné la partie, loin de là, mais sa résistance est déjà une victoire. Et chaque ville qu’il reconquiert est une défaite cinglante pour la Russie. Il résiste ici, il reprend du terrain là, il subit aussi de terribles revers. Mais c’est lui qui décide quand il voudra négocier, faire des concessions, ou pas.

On a longtemps supplié Poutine de mettre un terme à son aventure. On espère désormais en Zelensky. On se tourne vers lui, on l’interroge. C’est une nouvelle étape dans la guerre, pas la fin.

André Crettenand

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