YAS 2021: Genève capitale des jeunes activistes — Genève Vision, un nouveau point de vue

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La plus jeune, Gitanjali Rao, n’a que 15 ans. C’est une scientifique américaine dont les inventions permettent, par exemple, de détecter les sources d’eau contaminées, de prévenir la dépendance aux opioïdes, ou encore de lutter contre le cyberharcèlement. En 2020, ses réalisations lui ont valu d’être nommée «enfant de l’année» par le magazine américain Time. Le plus âgé, Lual Mayen, a quant à lui 26 ans. Né au Soudan du Sud en pleine guerre, il a grandi dans un camp de réfugiés. Il développe désormais des jeux vidéo visant à promouvoir la paix.

«On ne cherche pas que de la perfection et des ‘wonder kids’, parce que l’activisme c’est ça aussi, c’est avoir des idées, essayer de les mettre en œuvre, les tester et les améliorer», explique Marina Wutholen, directrice de l’ONG dev.tv et fondatrice du YAS.

Bien que les six activistes invités à Genève aient des CV impressionnants, ce qui compte le plus, selon Marina Wutholen, c’est qu’ils et elles travaillent sur des solutions concrètes qui pourraient inspirer des jeunes ailleurs à les reproduire et à s’attaquer à des problèmes similaires. «Si elles [les solutions] sont efficaces au Kenya, elles peuvent aussi l’être en Asie ou en Amérique du Sud.»

Les solutions proposées par ces jeunes comprennent des projets visant à restaurer les récifs coralliens, à prévenir les mutilations génitales féminines, à encourager le recyclage, à lutter contre la pauvreté et à promouvoir une agriculture durable.

Activisme des jeunes

Ces dernières années, les jeunes ont souvent été en première ligne de mouvements activistes. Greta Thunberg a encouragé des millions d’étudiants et étudiantes dans le monde à sécher les cours afin de réclamer des mesures climatiques aux responsables politiques. Comment expliquer cette tendance?

«Je pense que ce qui a vraiment changé, c’est l’éducation et la formation. Les jeunes ont vraiment été scolarisés dans une période où les questions de durabilité, de la crise environnementale et climatique, sont beaucoup débattues au sein des écoles», explique Jasmine Lorenzini, collaboratrice scientifique à l’Université de Genève (UNIGE).

Un meilleur accès à l’information, une prise de conscience accrue, ainsi qu’une baisse à long terme de la confiance des jeunes dans les institutions politiques, ont créé un terrain fertile pour l’émergence de figures clés telles que Greta Thunberg et le déclenchement de mouvements mondiaux, analyse Jasmine Lorenzini.

Une étude de «l’effet Greta Thunberg» a révélé que les personnes familières avec la jeune activiste suédoise étaient plus susceptibles de croire qu’elles aussi pouvaient faire la différence et étaient plus enclines à agir pour l’environnement.

En Suisse, les mouvements menés par les jeunes ont également rallié les générations plus âgées. Cela s’explique en partie par les mouvements environnementaux qui ont marqué l’histoire de la Suisse, explique Jasmine Lorenzini. Dans les années 1970 et 1980, des groupes antinucléaires et environnementaux étaient actifs dans le pays, occupant notamment les sites de futures centrales nucléaires. Certaines des personnes impliquées à l’époque ont peut-être eu envie de rejoindre les rangs des jeunes, lorsque ceux-ci ont commencé à protester contre le changement climatique, suggère-t-elle.

«Souvent, on parle d’un mouvement de jeunes – alors, c’est vrai dans le sens que ce sont les organisateurs – mais c’est réducteur si l’on pense à qui sont les personnes qui descendent dans la rue et qui défendent ce mouvement. »

Selon Jasmine Lorenzini, il existe un risque que certains exploitent intentionnellement ces stéréotypes pour minimiser l’ampleur des mouvements et pour affirmer qu’ils ne reflètent pas l’opinion de la population.

Mais alors que la confiance dans les institutions politiques baisse, qu’est-ce qui peut bien attirer les jeunes à l’ONU, institution qui n’est pas toujours synonyme d’agilité et d’action?

Les jeunes à l’ONU

Les jeunes activistes qui présentent leurs solutions aux Nations unies pendant le YAS bénéficient d’un certain prestige et niveau de reconnaissance, explique Marina Wutholen. Elle et ses collègues organisent également des ateliers pour permettre aux jeunes activistes de rencontrer et de recevoir des conseils d’experts et expertes de Genève et d’ailleurs.

«On voit que pour la plupart des activistes qui sont venus, il y a eu un avant et un après.»

Le Geneva Youth Call (GYC) est une autre initiative genevoise visant à faire entendre la voix des jeunes à l’ONU. Le projet a été créé au début de l’année 2020 par des étudiants et étudiantes de l’UNIGE.

«Un problème fondamental auquel on voulait s’attaquer, c’est le fait que pour l’instant, il n’y a pas vraiment d’espace commun où la jeunesse mondiale peut s’engager face à des problèmes globaux», explique Eva Luvisotto, cofondatrice du GYC.

En 2021, le GYC a lancé une plateforme numérique où les jeunes du monde entier peuvent partager les problèmes auxquels ils et elles sont confrontés et les solutions qu’ils et elles identifient. Le contenu de la plateforme alimentera une Charte Mondiale de la Jeunesse qui pourrait servir de position globale des jeunes auprès des Nations unies. Le GYC espère organiser sa première Assemblée de la Jeunesse en avril 2022 pour y affiner sa charte.

Eva Luvisotto, qui est également stagiaire au Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), estime qu’une grande partie des critiques adressées à l’ONU – par exemple son caractère trop bureaucratique – ne visent pas directement ce que l’organisation représente – par exemple la promotion de la paix dans le monde – mais plutôt son mode de fonctionnement. Ce sont des problèmes qui peuvent être résolus par des réformes, et pour lesquels le GYC espère apporter des solutions.

«Elle [l’ONU] représente quelque chose de très important quand même dans le monde», souligne Noa Rakotoarijaonina, qui étudie les relations internationales et est un des membres clés de l’équipe du GYC.

Les mouvements de jeunes nouent de plus en plus de liens avec des organisations établies telles que l’ONU, avec lesquelles ils partagent des valeurs, et qui travaillent sur des problèmes similaires, mais utilisent des stratégies et des ressources différentes, constate Marina Wutholen. «L’ONU a des contraintes que les groupes de jeunes n’ont pas et vice versa. Et c’est pourquoi il est vraiment important de mettre les atouts en commun.»

Les Nations unies œuvrent à la protection des réfugiés et des océans, à l’éradication de la pauvreté et de la faim, à la promotion de l’action climatique et de l’égalité des sexes; c’est également le cas des jeunes invités à Genève cette semaine. Ils et elles élaborent des solutions concrètes à ces problèmes et méritent l’attention et le soutien de la communauté internationale.

Dorian Burkhalter

Version originale, en anglais.