Vladimir Poutine pourrait-il être jugé pour crimes de guerre? — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Plusieurs responsables européens se sont joints au concert de condamnations, dénonçant pour certains un crime de guerre, comme la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen.

Principe de proportionnalité

Pour justifier une telle attaque au niveau du droit international, la Russie devrait prouver que son bombardement n’était pas disproportionné au regard des pertes civiles, comme le souligne Gerry Simpson, directeur adjoint de la division crises et conflits à Human Rights Watch, invité dans « Géopolitis ». « Il faudrait montrer que la menace que posaient des soldats ukrainiens – s’ils étaient présents – était énorme contre les forces russes, et que cela justifiait une attaque, malgré le fait qu’il s’agissait d’une maternité », dit-il. Avant de préciser: « Il est très rare que dans de tels cas, les militaires arrivent à justifier ce type d’attaques. »

Le chercheur tire également un parallèle avec les guerres en Tchétchénie et en Syrie, là où les forces russes ont également bombardé des hôpitaux: « On a vu les mêmes scènes à Alep. (…) Le but c’est de terroriser les civils pour éviter qu’ils prennent les armes et qu’ils acceptent la présence de l’occupation. »

La Cour pénale internationale enquête

La liste des crimes de guerre présumés s’allonge de jour en jour en Ukraine. Malgré les promesses de couloirs humanitaires, des civils sont pris au piège des combats dans plusieurs villes ukrainiennes. Certaines zones résidentielles sont en ruines, comme à Tchernihiv. A Kharkiv, Human Rights Watch et Amnesty international dénoncent l’usage de bombes à sous-munitions, qui frappent aveuglément belligérants comme civils. A Kiev, la tour de télévision, centre névralgique de l’information, a aussi été bombardée. Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a confirmé mardi la mort de 474 civils et fait état de 861 blessés depuis le début de l’offensive le 24 février.

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) vient d’ouvrir officiellement une enquête à la demande de 39 Etats, y compris la France et la Suisse. Karim Khan est « convaincu qu’il existe une base raisonnable de croire que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité allégués ont bel et bien été commis dans ce pays ».

Le traité de Rome, traité fondateur de la CPI, a été ratifié par 123 pays. Mais certaines des plus grandes puissances – Etats-Unis, Chine, Inde, y compris la Russie – ne reconnaissent pas la Cour. L’Ukraine n’a pas non plus adhéré à la Cour pénale internationale, mais a reconnu officiellement sa compétence en 2014. Ce qui permet au procureur d’enquêter sur des crimes commis sur son territoire.

Les Etats membres de la Cour pénale internationale (CPI). [Géopolitis – RTS]

Long chemin

La récolte de preuves a déjà commencé, et portera sur les crimes commis en Ukraine depuis 2013. Côté russe, mais aussi côté ukrainien. Moscou accuse notamment les nationalistes ukrainiens d’avoir commis un génocide dans le Donbass et d’utiliser leur propre population comme boucliers humains.

Gerry Simpson

Au final, l’enquête pourrait-elle remonter jusqu’au sommet de la chaîne de commandement en Russie, à savoir Vladimir Poutine? « S’il y a suffisamment de preuves, il est très probable que lui et ses généraux soient inculpés », affirme Gerry Simpson.

Une enquête approfondie de Human Rights Watch en Syrie avait conclu que le président Bachar al-Assad et Vladimir Poutine devaient être inculpés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour leur rôle dans la chaîne de commandement. « Il n’y a pas d’immunité, poursuit-il. Même les présidents et les Premiers ministres peuvent être inculpés lorsqu’ils sont en fonction. »

Mais quelles que soient les armes de la justice internationale, les enquêtes minutieuses qui ont démarré pourraient prendre des années avant d’aboutir. Sans peut-être réussir à atteindre un jour le maître du Kremlin.

Mélanie Ohayon

Le suivi des événements en Ukraine: Les forces ukrainiennes tentent d’éviter un encerclement de Kiev et se préparent à un assaut à Odessa

Enquêtes multiples

Parallèlement à la Cour pénale internationale, une autre cour a été saisie du cas ukrainien. La Cour internationale de Justice (CIJ) débutait ses premières audiences le 7 mars dernier. Kiev a demandé au plus haut tribunal des Nations unies d’ordonner à Moscou de stopper son invasion. Malgré ses accusations de génocide, la Russie ne s’est pas présentée devant la Cour.

La Russie pourrait aussi devoir répondre de ses actes devant la Cour européenne des droits de l’Homme, que Kiev a saisie pour violations des droits humains.

L’Allemagne a également démarré sa propre enquête pour crimes de guerre, au nom de la « compétence universelle », qui permet de juger dans un pays certains crimes, quel que soit l’endroit du monde où ils ont été commis.

Des juristes européens militent aussi pour la création d’un tribunal spécial, qui permettrait de viser directement Vladimir Poutine pour crime d’agression.