„Vladimir Poutine est dans un rapport de force brutal, aucune sanction ne l'arrêtera” — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Micheline Calmy-Rey est familière avec les méthodes et la diplomatie de Vladimir Poutine. Lorsqu’elle était en fonction au Conseil fédéral, elle a rencontré à plusieurs reprises le dirigeant russe. Dans le 12h30, elle évoque notamment la première de ces rencontres en 2007. Elle était alors présidente de la Confédération. « Nous avons beaucoup parlé du Kosovo parce que la Russie était opposée à l’indépendance du Kosovo alors que la Suisse avait promu cette indépendance », explique-t-elle.

Mais à cette occasion, raconte l’ancienne ministre, Vladimir Poutine a également fait une analyse de la situation dans le sud du Caucase, et notamment des relations avec la Géorgie. « Une année plus tard, la guerre a été déclarée. Mes collaborateurs m’ont alors rappelé cette rencontre, où le président Poutine nous a expliqué ce qu’il allait faire et quelle était sa stratégie. Le problème est que personne ne l’a cru, parce que c’était un rapport de force tellement brutal auquel nous ne voulions pas croire », se remémore-t-elle, comparant la situation d’alors à celle d’aujourd’hui. « Il prépare sa stratégie offensive depuis des semaines, et malgré les menaces de sanctions, rien ne le dissuade de poursuivre son objectif. »

Micheline Calmy-Rey

Ainsi, selon Micheline Calmy-Rey, ce ne sont pas les menaces de sanctions qui vont arrêter le président russe. « Et c’est bien ça la faiblesse de l’Occident, de l’OTAN et des Etats-Unis. Face à un personnage qui ne se retient pas dans l’usage de la force et des violations du droit international, comme réponse nous n’avons que des sanctions ou l’envoi de matériel de guerre à l’Ukraine, et encore, de manière très mesurée. Et donc l’Ukraine est laissée un peu seule face à la Russie. »

Les sanctions ne sont pas contradictoires avec la neutralité

En Suisse, les partis politiques sont tous unanimes pour condamner l’attaque de l’Ukraine, qualifiée « d’invasion russe » par le DFAE. Mais des divergences se font sentir sur la manière dont le Conseil fédéral, qui tient séance extraordinaire jeudi à la mi-journée, devrait réagir. À gauche, socialistes et écologistes appellent à des sanctions dures contre la Russie. Mais d’après certains élus ou élues des partis bourgeois interrogées jeudi matin, la Suisse perdrait toute crédibilité en tant que potentiel médiateur si elle s’alignait sur les sanctions internationales.

Le point de situation avec des élus et élues à Berne dans le 12h30

Mais selon Micheline Calmy-Rey, les deux choses ne sont « absolument pas contradictoires ». « Le droit de la neutralité selon les conventions de 1907 s’applique dans le cadre du conflit ukrainien. Mais le droit de la neutralité est compatible avec la prise de sanctions économiques et financières. » Le fait de prendre des sanctions à l’encontre de la Russie n’empêcheraient donc pas la Suisse de jouer un éventuel rôle de médiateur.

Pour cette raison, l’ancienne cheffe de la diplomatie suisse appelle à des sanctions fermes. « On ne peut pas se permettre de condamner des violations du droit international et de ne pas réagir, ça serait indigne de nous », juge-t-elle.

Conséquences diverses

Elle rappelle toutefois que les sanctions européennes et américaines vont avoir un impact en Suisse, sans même parler d’éventuelles sanctions prises par la Confédération. Et les conséquences se joueront à plusieurs niveaux. Au niveau économique d’une part, mais pas uniquement.

Les conséquences économiques du conflit expliquées dans le 12h30

« Moi-même par exemple, je donne un cours à l’Université de Genève en partenariat avec une université russe. Et donc je pense que le séminaire ne pourra plus se tenir », illustre-t-elle.

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Pierrik Jordan