Une première dame en vogue — Genève Vision, un nouveau point de vue

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L’Ukraine oscille entre les combats acharnés à l’Est, un semblant de vie retrouvée à Kiev, le calme dans l’Ouest. Là, on se bat, on meurt, on bombarde, ici on s’assoit en terrasse. Guerre et paix du 21e siècle. Un dictateur joue avec les peurs, menace d’embrasement atomique, prend une centrale nucléaire en otage. Un peuple résiste, se bat pour son indépendance. Et la nôtre.

D’abord, être photographié par Annie Leibovitz, cela ne se refuse pas. La prise de vue chez Leibovitz n’est jamais banale ni naïve. A l’heure où l’on s’inquiète de savoir si les opinions publiques ne vont pas se fatiguer du drame, se plaindre du froid et du prix du sans-plomb, l’Ukraine existe. Elle est belle. Elle est debout, elle témoigne, elle plaide. Leibovitz l’a rencontrée. Faites le glamour, pas la guerre. Cette insoutenable légèreté du paraître nous interpelle. Ces images, ces yeux qui nous fixent, nous interrogent : faisons-nous assez pour l’Ukraine ? Le reportage n’est pas un simple exercice de glamour, même s’il en suit les codes. La femme du président pose dans un palais de sacs de sable et au milieu des soldats. La guerre est bien là, elle n’est pas qu’un décor.

Vogue

Zelensky maîtrise la communication depuis le début de l’invasion. Olena Zelenska, elle, était plus discrète. Elle est allée aux États-Unis plaider la cause. Elle a rencontré Biden, Blinken, la femme du président américain. Sans obtenir pour autant le retentissement de ces photos. Elle en est l’héroïne. « Il n’existe pas de scénario pour les premières dames en temps de guerre, Olena Zelenska écrit donc le sien », dit « Vogue ». C’est assez juste.

Le récit d’une première dame donc, et d’une femme dans la guerre, car la guerre se vit au sein des familles. Avec ses séparations, ses victimes, l’exil. Le destin de Zelenska, la scénariste, la productrice de télévision, est celui de beaucoup d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes rattrapés par le malheur et qui font preuve de « bravitude ». Ce « Portrait of Bravery », est un témoignage. Un de plus. Les Ukrainiens ont appris « à être braves en tout temps » comme les héros de l’Iliade.

Aucun outil de communication n’est à dédaigner. Les images comptent. Être dans « Vogue », c’est la continuation de la guerre par d’autres moyens. Une autre manière encore de décliner la guerre hybride. Les Zelensky n’auront cesser d’innover et d’étonner le monde. Il y a les photos, insistantes bien sûr, et il y a le discours martelé : « Après Bucha, nous avons compris que c’était une guerre destinée à nous exterminer tous. Une guerre d’extermination », dit Zelenska.

« Nous attendons la victoire avec impatience. Nous ne doutons pas que nous l’emporterons. Et c’est ce qui nous fait avancer », dit-elle encore. Un message dur sous un regard doux, dit joliment la journaliste de « Vogue ». Curieusement, le beau reportage photos renforce notre envie d’y croire. Le glamour aussi peut être une arme dans la guerre.

André Crettenand