Une fondation clé de la Genève internationale à nouveau dans la tourmente — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Un bref message sur le site internet de la FIPOI évoque une « transition » au sein de la direction de cet acteur clé de la Genève internationale. La FIPOI emploie 70 personnes qui gèrent plus de 950 millions de francs d’actifs dédiés aux organisations internationales dans le canton. Un nouveau directeur ad interim a été nommé dans la foulée.

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Nouveaux besoins

Contactée par la RTS, la Mission permanente de la Suisse auprès de l’ONU à Genève, qui répond pour la FIPOI, refuse d’expliquer les raisons de cette éviction. « Tous les détails de la fin des rapports de travail de Patrick Armaingaud à la FIPOI n’étant pas encore réglés, un devoir de protection des données personnelles s’impose, pour le moment », précise la porte-parole Paola Ceresetti. Une communication conjointe devrait avoir lieu ces prochains jours.

Mais, selon les renseignements de la RTS, il y a deux explications à ce départ. D’une part, la fondation souhaitait redéfinir la ligne de sa direction. Comme d’autres secteurs, la Genève internationale a changé avec la pandémie. Ses réunions se font moins qu’avant en présentiel. Les organisations internationales ont de nouveaux besoins. Il fallait donc changer de profil pour appréhender ces enjeux.

Vives tensions

D’autre part, des relations conflictuelles existaient entre la direction et les multiples organes de la FIPOI. Des tensions qui ont poussé le Conseil de fondation, présidée par l’ancienne conseillère aux Etats genevoise Liliane Maury Pasquier, à diligenter une analyse externe de la situation de gouvernance de l’institution. Elle a été rendue le 2 décembre dernier. Et ses six constats sont préoccupants.

Elle parle d’une « situation critique » où « une nouvelle crise, potentiellement majeure, est à craindre et toutes les instances n’en ont pas conscience ». Le dispositif de gouvernance de la fondation interpelle « par sa lourdeur et sa complexité », écrit l’auditeur. En effet, la FIPOI est gérée conjointement par la Confédération, le canton et la Ville de Genève, où les intérêts ne sont pas toujours convergents. Sans parler des nombreuses entités de pilotage. Le directeur se plaint d’ailleurs, dans le rapport, d’ »injonctions paradoxales ».

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Refonte de la gouvernance

L’analyse estime que le niveau d’incompréhension entre les instances (Conseil, suppléants et commissions diverses, et direction) est élevé. Le courant ne passe pas. Le document évoque aussi une direction pas suffisamment impliquée dans certaines décisions ou réflexions. « Les conditions ne sont actuellement pas remplies pour garantir un fonctionnement sain de la FIPOI », avertit le document.

Le rapport propose dès lors cinq pistes d’amélioration, notamment une redéfinition des fondamentaux et un travail sur la culture d’entreprise (passer d’une approche verticale à une approche plus horizontale). Une refonte complète de la gouvernance est également préconisée. La composition même du Conseil de fondation est visée puisque l’analyse l’invite à y intégrer des compétences métiers spécifiques. En revanche, le départ du directeur n’est pas mentionné.

Examens réguliers

Qu’a fait la FIPOI de ces recommandations? Selon la Mission permanente de la Suisse auprès de l’ONU à Genève, ce rapport « n’est qu’un des éléments pris en considération par le Conseil de fondation dans sa démarche globale visant à ce que la FIPOI et son organisation interne soient toujours en mesure de répondre à des besoins qui évoluent rapidement.

La gouvernance de la FIPOI est régulièrement examinée et adaptée dans ce sens. La mise en œuvre de cette nouvelle phase nécessite qu’un nouveau directeur/nouvelle directrice soit nommé pour la mener à bien, en étroite collaboration avec les instances de la FIPOI. « La Mission permanente de la Suisse auprès de l’ONU précise toutefois que le mandat donné à l’entreprise externe ne portait pas sur la gouvernance de la FIPOI ».

Palais des Nations unies

Ces nouvelles secousses tombent mal pour la Genève internationale. Elles interviennent au moment où les Chambres fédérales doivent examiner l’immense projet de rénovation du Palais des Nations unies. Un projet devisé à plus de 800 millions de francs, financé à moitié par la Suisse.

On se souvient que la crise sans précédent rencontrée par la FIPOI, en 2015, sur fond d’adjudications publiques douteuses avait refroidi les parlementaires à Berne. A voir si cela sera à nouveau le cas. Surtout que le Contrôle fédéral des finances (CDF) doit lui aussi publier, fin mai, un audit de la gouvernance de projets immobiliers de la FIPOI.

Raphaël Leroy