Une floraison exceptionnelle, le „super bloom”, fait son grand retour en Californie — Genève Vision, un nouveau point de vue

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La terre aride, débarrassée des mauvaises herbes d’habitude si promptes à absorber les nutriments disponibles, accouche alors de fleurs sauvages par milliers, dont les germes luttaient pour se faire une place.

L’hiver particulièrement chagrin qui a frappé la Californie, avec ses tempêtes en série et ses précipitations quasi-record, a permis cette année d’atteindre cette délicate alchimie. Résultat, les collines du « Golden State » et certains de ses déserts sont recouverts d’un océan de couleurs visible depuis l’espace. La dernière floraison en date avait eu lieu en 2019.

Un tourisme « apocalyptique »

Mais le retour de cette nature impressionniste, qui a longtemps fasciné missionnaires espagnols et grandes plumes de la littérature américaine, résonne différemment dans un monde dominé par Instagram et TikTok.

L’éclosion massive sur les collines californiennes est toujours une attraction, comme ici en mars 2019 à Lake Elsinore. [MARIO TAMA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA – AFP]

Le tourisme de masse qu’elle engendre a poussé la ville californienne de Lake Elsinore à barrer l’accès du chemin de randonnée du Walker Canyon avec des grilles, surveillées par une voiture de patrouille.

Les autorités refusent de revivre « l’apocalypse » de 2019. Des dizaines de milliers de visiteurs avaient alors envahi ce chemin et créé des bouchons qui avaient paralysé la région.

Digne de Disneyland, la foule d’influenceurs et de touristes obsédés par les selfies n’hésitait pas à se garer sur le bord de l’autoroute, pour aller décrocher son cliché au milieu des fleurs sauvages.

Fleurs piétinées

« C’était un cauchemar, (…) ils ont tout piétiné et écrasé une grande partie des fleurs », raconte à Pete Liston, le propriétaire de la tyrolienne des montagnes de Skull Canyon. Quatre ans plus tard, « rien n’a repoussé » sur les traces anarchiques laissées par les vandales.

Face à la fermeture du sentier public, son parc d’aventures voit sa clientèle augmenter ce printemps. De nombreux amoureux de nature utilisent sa tyrolienne pour admirer le cru 2023 du « super bloom » sans endommager l’environnement.

Une alternative sur le web

En guise d’alternative, la ville de Lake Elsinore propose aux visiteurs d’observer les fleurs du Walker Canyon sur son site internet, grâce à une caméra en direct. Cette intransigeance est loin de faire l’unanimité, même parmi les défenseurs de la flore.

Chaque « super bloom » est un « moment de sensibilisation qui permet au public d’établir des liens avec la nature et de susciter l’enthousiasme pour la biodiversité », souligne Evan Meyer, le directeur de la Theodore Payne Foundation, une organisation qui tente de répartir les foules avec un numéro vert informant sur les dernières floraisons. « En fermant le Walker Canyon, Lake Elsinore envoie le message exactement inverse. »

Plus inquiet face au développement immobilier dans les collines de la région qu’à l’irresponsabilité d’une minorité d’instagrameurs, ce spécialiste appelle à « développer une éthique pour apprécier la nature ». Un effort soutenu par les guides du Skull Canyon. Entre deux longueurs de tyrolienne, ils rappellent aux visiteurs qu’il est interdit de cueillir le pavot de Californie, dont l’orange éclatant a inspiré le surnom du « Golden State ».

afp/ami/doe