Une adhésion de la Suède et de la Finlande à l'Otan serait un „échec majeur” pour Poutine — Genève Vision, un nouveau point de vue

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De gauche à droite: le ministre finnois des affaire étrangères, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg et la ministre suédoise des affaire étrangères Ann Linde. [Olivier Matthys – AP Photo].

Alors que le soutien à une intégration tournait autour de 20 à 30% depuis 20 ans, les derniers sondages suggèrent aujourd’hui que plus de 70% des Finlandais et 50% des Suédois soutiennent une adhésion.

Dans les deux pays, de nombreux partis ont ou sont en train de changer de position sur la question. Au Parlement finlandais, une très nette majorité en faveur de l’adhésion se dessine. En Suède, le parti social-démocrate, historiquement opposé à l’Otan, doit se prononcer entre le 15 et le 24 mai, tandis que l’opposition de droite pousse pour l’adhésion.

Invité dans l’émission Tout un monde, le maître de conférence à Sciences Po Paris Frédéric Encel estime que ces probables adhésions de la Suède et de la Finlande à l’Otan constitueraient une défaite pour Vladimir Poutine. « On a affaire à l’un des échecs les plus majeurs de Poutine, il est en train d’engendrer exactement ce pourquoi, d’après sa propagande, il fait la guerre. En quelque sorte, il est en train de renforcer l’Otan, et qui plus est à ses propres frontières. »

Processus d’adhésion

Membres de l’Union européenne, la Suède et la Finlande bénéficient de la clause d’assistance mutuelle prévue par l’article 42-7 pour la période du processus de ratification de leur adhésion à l’Otan.

Le secrétaire général de l’Otan, le Norvégien Jens Stoltenberg, a assuré aux deux candidats qu’ils seront accueillis « les bras ouverts » s’ils décident de rejoindre l’Alliance dont ils sont déjà des « partenaires ».

Il leur a promis un processus d’adhésion « rapide » et « des solutions » pour répondre à leurs préoccupations de sécurité entre l’acte de candidature et l’adhésion finalisée.

Réaction russe

Pour dissuader la Suède et la Finlande de rejoindre l’alliance, Moscou a menacé de répondre par des mesures « militaires techniques ». Pour Frédéric Encel, la capacité d’action de la Russie est toutefois limitée. « Vladimir Poutine pourrait mettre en place un blocus oriental de la Finlande. C’est autre chose concernant la Suède, puisqu’elle n’a pas de frontière avec la Russie, mais on pourrait imaginer un blocus maritime dans le golf de Botnie à l’est de la Suède. »

Le maître de conférence poursuit: « En réalité, ce sont des menaces qui paraissent ridicules au regard des très graves difficultés maritimes dont pâtit la Russie depuis déjà plusieurs années – on l’a vu encore récemment dans la mer Noire face à la balistique ukrainienne. Je dirais donc que ce sont des menaces en l’air. On peut toutefois imaginer des cyberattaques, un domaine où la Russie a su s’imposer comme un adversaire redoutable. »

Au détriment de l’Europe

Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg estimait il y a quelque jours que le moment était idéal pour une adhésion des deux pays nordiques, la Russie étant trop occupée par l’Ukraine pour réagir. Le monde sera-t-il pour autant plus sûr si l’alliance devait s’élargir? Frédéric Encel en doute.

« Si l’Otan se renforce, cela ne signifiera pas que le monde sera plus en sécurité. Au contraire, cela va renforcer la paranoïa des cercles nationalistes russes et peut-être même celle de Poutine. » Le géopolitologue estime qu’un élargissement de l’alliance renforcera certes la crédibilité des Etats-Unis, un instrument clé dans les rapports de force internationaux, mais cela au détriment de l’Europe. « L’achat allemand des F-35 et les achats vraisemblables de matériel américains de la Suède et de la Finlande renforcent l’Otan, mais pas l’Europe. »

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey

Version web: Antoine Schaub avec afp