Un été sidérant — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Non qu’il soit moins percutant. Mais nous n’avons plus besoin des scientifiques pour nous dessiler les yeux. Le film de l’épouvante se déroule sur les écrans, devant nos yeux, partout dans le monde, provoquant la sidération. On s’interroge encore un peu, ici ou là, sur les causes réelles de ce dérèglement. Mais le constat est sans appel. En 2013, le GIEC jugeait que les activités humaines jouaient un rôle « extrêmement probable » dans le réchauffement. Cette fois-ci, il démontre que ce rôle est « sans équivoque ».

La planète brûle ou se noie, s’échauffe ou s’assèche.

Les incendient ravagent la Californie, le Canada, le Maroc, la Kabylie, la Corse, l’Italie, le sud de la France, la Turquie, l’île d’Eubée en Grèce. La Sibérie n’est pas épargnée. En Iakoutie, c’est un territoire grand comme le Portugal qui a brûlé. Les témoins signalent des cendres jusqu’au pôle Nord. On a inventé le terme de mégafeux pour décrire le phénomène.

Il y a le feu, et il y a l’eau. Un peu avant, l’Allemagne et la Belgique essuyaient des tempêtes et des inondations, provoquant plus de 200 morts. De la Chine au Tennessee, la Terre prend l’eau. La liste n’est pas exhaustive. Les événements se succèdent désormais à un rythme soutenu faisant des journaux le déroulé désespérant et sans fin des catastrophes. Incendies, tempêtes, sécheresse, dômes de chaleur. Rien ne nous est épargné et l’on pressent bien que ce n’est qu’un début. En comparaison, l’image de l’ours polaire coincé sur son glaçon flottant en devient pittoresque.

Des conséquences irréversibles

Les conséquences s’annoncent lourdes en termes humains. Notamment pour les populations les plus vulnérables. Le directeur général de l’OIM, l’Organisation internationale pour les migrations, António Vitorino, rappelait il y a quelques jours que l’an dernier plus de la moitié des déplacements de population étaient déjà dus à des catastrophes climatiques. Les experts de la géopolitique imaginent des conflits qui auront pour objet l’accès à l’eau. Les scientifiques déplorent des conséquences irréversibles sur la biodiversité, des perturbations sur les cultures.

La question est de savoir si le spectacle des désastres nous poussera à agir, à changer de mode de vie. L’action plutôt que la sidération. On a beau se convaincre que le changement de modèle est aussi source d’emplois et d’opportunités comme le plaide Bertrand Piccard avec beaucoup d’arguments et de conviction, on n’échappera pas à des changements drastiques de nos conduites quotidiennes. Et si nous ne le faisons pas, égoïstement, nos enfants et petits-enfants y seront contraints de toute façon.

Preuve de la difficulté à s’investir dans ce combat contre le réchauffement climatique, plus de la moitié des signataires de l’Accord de Paris sur le climat ont déjà réduit leurs ambitions en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La COP 26 à Glasgow, au début novembre, sera l’occasion de voir si les événements de l’été bouleversent ces rétropédalages.

Les efforts de tous

L’alerte est-elle suffisamment forte ? Difficile de le savoir, là, tout de suite. Je crois que tout le monde est convaincu que nous ne pouvons pas continuer comme cela. Mais les moyens de nous en sortir ne nous paraissent pas si évidents. Le pire serait de croire que la planète est définitivement folle et qu’il n’y a plus rien à faire. Le Secrétaire général des Nations Unies a commenté ainsi le rapport du GIEC : « La viabilité de nos sociétés dépend des dirigeants des gouvernements, des entreprises et de la société civile qui exigeront des politiques, des actions et des investissements qui limiteront la hausse des températures à 1,5°C ». En fait, l’urgence climatique requiert les efforts de nous tous.

Y sommes-nous prêts ? L’âme humaine étant ainsi faite, tous les malheurs du monde ne suffiront sans doute pas à nous faire bouger avant que les effets de la terrible catastrophe ne nous affectent personnellement. Ou alors, il faudrait qu’un formidable sentiment de compassion et un sens aigu de clairvoyance nous saisissent tous et aussitôt.

Andre Crettenand