„Tous ceux qui se mettent des dreadlocks ne veulent pas s'approprier le reggae. Ils l'empruntent” — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Accusés de faire du bénéfice sur le dos des indiens d’Amérique en exploitant leur image, les éditeurs des livres sont tenus de se justifier, tout comme le fabricant de la glace Winnetou. « Le visage de l’indien avec sa parure de plumes a été supprimé et remplacé par une image de deux plumes colorées. Nous avons ainsi pu éviter (…) toute association ou même stigmatisation présumées des peuples indigènes », a expliqué Frisco dans un communiqué.

Le sujet dans l’émission Mise au point: Winnetou et les dreadlocks en ligne de mire

« Une fausse idée »

La Suisse n’échappe pas à ces questions d’appropriation culturelle. Cet été, le monde du reggae s’est retrouvé au cœur d’une tempête médiatique, car des musiciens blancs portaient des dreadlocks.

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« Le débat sur l’appropriation culturelle mélange les fanatiques et ceux qui ont peur d’aller vers ces cultures, car ils se retrouveraient ridicules, analyse l’auteur franco-congolais Alain Mabanckou dimanche dans le 19h30. (…) L’appropriation culturelle est une fausse idée. Personne ne peut s’approprier la culture de l’autre. Si je vous dis que je m’approprie votre voiture, cela veut dire que vous n’en êtes plus propritéaire. »

Et de poursuivre: « Tous ceux qui se mettent des dreadlocks, dans leur esprit, ils ne veulent pas s’approprier cette musique. Ils l’empruntent. Le prêt et la propriété sont deux choses différentes. Quand vous empruntez quelque chose, vous n’avez pas le droit d’abuser de la chose. Vous ne faites que transiter. »

« Nous sommes dans une civilisation de bronze. Le bronze, c’est l’alliage des métaux », conclut-il.

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La littérature, au-delà de la couleur de peau

Opposé au communautarisme, l’écrivain avait déjà pris position en 2021 sur la polémique liée à la poétesse américaine Amanda Gorman. Certains estimaient que seuls des noirs devaient avoir le droit de la traduire: « La littérature grandit, parce qu’elle traverse les frontières. La littérature ne devrait pas être tributaire d’une certaine couleur. »

POLÉMIQUE : La poétesse africaine américaine Amanda Gorman ne doit-elle être traduite que par des Noir(e)s ? @TheAmandaGorman #AmandaGorman #Traductions pic.twitter.com/8iPuA14mDz

— Alain Mabanckou (@amabanckou) March 6, 2021

Alain Mabanckou, qui a été le premier écrivain nommé à la Chair artistique du Collège de France, se dit davantage blessé quand les gens prennent des éléments de la culture noire pour les tourner en dérision, citant les sketchs de Muriel Robin et de Michel Leeb.

Ecouter aussi l’épisode du podcast Le Point J « C’est quoi l’appropriation culturelle? »

Propos recueillis par Fanny Zürcher/vajo

« Le commerce des allongés », Alain Mabanckou, aux Editions du Seuil, 304 pages