Teodorin Obiang condamné dans une affaire de biens mal acquis, une victoire pour les ONG — Genève Vision, un nouveau point de vue

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« C’est une immense victoire, une décision historique qui met un point final à 14 ans de procédure », a réagi Sara Brimbeuf, responsable du plaidoyer « flux financiers illicites » à Transparency international, partie civile dans cette affaire. C’est la première fois qu’un dirigeant étranger est définitivement condamné en France dans une affaire dite de « biens mal acquis ».

Les investigations sur les « biens mal acquis » de dirigeants africains et de leur entourage avaient véritablement démarré en 2010 sur la base de plaintes des ONG Sherpa et Transparency international. Les volets concernant les familles Bongo au Gabon et Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville sont toujours en cours d’instruction, et d’autres dignitaires étrangers ont depuis été visés par des procédures similaires.

Affaire « classée » en Suisse

Connu pour ses frasques et son train de vie somptueux, Teodorin Obiang a aussi été poursuivi en Suisse, mais la justice genevoise avait classé l’affaire en 2019 après confiscation de 25 voitures de grande valeur.

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Interrogé dans La Matinale, l’avocat et spécialiste de justice pénale internationale Philippe Currat pointe les carences juridiques du système helvétique. « Ce qui manque en Suisse dans une telle situation, c’est la possibilité d’avoir une enquête qui soit ouverte sur la base d’une plainte. Il faut être capable de mener ces enquêtes, d’identifier les gens et de remonter éventuellement les identités des personnes qui sont derrière des sociétés », explique-t-il.

Ce n’est toutefois pas la seule difficulté: « Quand vous avez des montants pareils à disposition, vous avez la possibilité évidemment de mettre quelques pare-feux entre vous et les enquêteurs pour justement profiter de vos biens et ne pas apparaître facilement comme ayant droit possible. Mais il y a quand même des succès, comme la procédure française contre Teodorin Obiang », estime Philippe Currat.

Ecouter l’interview complète de Philippe Currat, avocat et spécialiste de justice pénale internationale, dans La Matinale: Que fait la Suisse contre le blanchiment d’argent et la corruption des dirigeants étrangers?

Restitution pour des projets de développement

Les bolides du vice-président guinéen avaient été mis aux enchères par la justice suisse, permettant de récolter 23 millions de francs. Mais cet argent n’a toujours pas été restitué au pays d’Afrique centrale, comme a pu le confirmer la Confédération. La diplomatie helvétique est encore en négociation avec la Guinée pour s’assurer que l’argent aille bien dans un programme social sur place.

Vingt-cinq voitures de Teodorin Obiang avaient été saisies par la justice suisse. Ici, une Ferrari LaFerrari et une Bugatti Veyron (Keystone/L.Gilliéron)

La justice française a estimé, de son côté, à 150 millions d’euros les sommes blanchies en France par Teodorin Obiang. Cette somme doit aussi être redonnée par le biais notamment de programmes de développement à ce pays pétrolier d’Afrique centrale où la majorité des habitants vit dans la pauvreté. Une restitution qui constitue un défi, face aux risques d’éventuels nouveaux détournements.

« Si vous restituez cet argent au pays en question, vous le remettez dans les mains d’où vous l’avez confisqué. Cela n’a pas beaucoup de sens. Il faut un minimum de garanties, mais c’est toujours compliqué de les obtenir de manière crédible dans ce type de schéma », confirme l’avocat au micro de la RTS.

jfe avec agences