Sur les remparts de Varsovie — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Mais l’épisode dépasse la seule campagne présidentielle française et va au-delà des signaux que les uns et les autres envoient à leurs électeurs pour signifier qu’ils ne sont pas si seuls, ni dans l’erreur, comme si l’addition des semblables ajoutait à la vérité.

Ce qui s’est passé à Varsovie doit être lu attentivement.

D’abord, il s’agit moins pour les agitateurs de quitter l’Union dans l’immédiat que de mener un travail de sape en son sein. Cela leur permet de continuer à bénéficier des avantages de l’Europe, de façonner la statue d’un ennemi commun et de le désigner à la vindicte populaire. La stratégie du cheval de Troie en somme, dont les Européens ne sont pas dupes, mais qu’ils ont de la peine à contre-carrer. Depuis des mois, la Pologne est en guerre sourde contre l’Union et celle-ci lui refuse toujours la libération des fonds européens du plan de relance.

Ensuite, le lieu de ce « Sommet des leaders conservateurs » n’est pas anodin. On y construit un régime où les droits des femmes, les droits des LGBT, l’indépendance des juges et la liberté de la presse sont restreints chaque jour davantage. La Pologne est l’un des terrains en Europe où s’affrontent démocratie et gouvernance populiste.

Le maire de Varsovie, Rafał Trzaskowski, opposant notoire et figure nationale, témoignait de cet enjeu, il y a quelques jours, devant la Commission des affaires étrangères du Congrès américain. « La Pologne n’est pas encore un pays anti-démocratique, disait-il, pas encore, grâce à l’opposition parlementaire et à l’engagement courageux de la société civile ; mais la Pologne est bien un champ de bataille entre démocrates et autoritaires ». Un vibrant plaidoyer, et étonnamment optimiste, car le maire parie sur l’alternance lors de futures élections.

Un enjeu géopolitique

Rafał Trzaskowski relevait aussi le danger de cette Pologne qui se fourvoie, jugeant qu’il n’était pas le moment d’avoir un point faible en Europe, alors que Vladimir Poutine amasse des troupes aux frontières de l’Ukraine. Un enjeu géopolitique qui n’est pas à sous-estimer, car on sait bien que tout ce qui affaiblit l’Europe sied à Poutine.

On s’est promené sur les remparts de Varsovie, mais on n’a pas réussi à s’entendre pour autant sur l’essentiel : la création d’un grand groupe au Parlement européen rassemblant toutes les formations d’extrême droite. C’était le projet de la rencontre, il n’a pas abouti.

André Crettenand

La Lettre internationale. Sur les remparts de Varsovie – Biden-Poutine inséparables – Cyberharcèlement, témoignages – Métavers encore – Coupures de courant, la grande peur – Cyberharcèlement – Rohingyas, plainte contre Facebook – En vue, Romain Felber – Caroline Coutau