Slovénie, une „Suisse” qui se fait mal — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Janez Jansa attaque volontiers les médias, s’en prend aux journalistes, coupe les subventions à l’agence de presse nationale STA. Il remet en cause l’indépendance de la justice. Toutes pratiques trop souvent observées désormais à l’est. Que Janez Jansa ait choisi le camp des illibéraux n’inquiétait pas outre mesure. Qu’il prenne la présidence, tournante, de l’Union européenne le met soudain en lumière et lui donne tout loisir de proclamer son mantra.

La présidence est une tribune inespérée et ses premiers pas de président l’ont encouragé à tenter tous les éclats. Recevant officiellement les commissaires européens, le premier ministre s’est ingénié à leur brandir une photo soi-disant compromettante pour diffamer les juges et les députés européens slovènes.

Il s’est pris une réplique de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, dont il vaut la peine de lire un large extrait : « La confiance est notre bien le plus précieux. La confiance dans des institutions solides. La confiance dans un système judiciaire indépendant et efficace. La confiance dans des médias libres, indépendants et correctement financés. Confiance que la liberté d’expression, la diversité et l’égalité sont toujours respectées et que l’État de droit et les valeurs européennes sont toujours soutenues. C’est l’essence même de notre Union européenne. C’est ainsi que nous gagnons le respect de la communauté mondiale. Et c’est la clé pour se relever et vivre ensemble, en tant qu’Union. Et pour être très clair : le dialogue politique exige le respect de toutes les formations démocratiques ».

Très clair en effet. Les recommandations sonnent comme autant d’avertissements, et de reproches. Le Parlement ne se privera pas non plus de marteler le respect de ses principes et ses valeurs, comme l’explique le journaliste Alain Franco, correspondant de la RTS à Bruxelles (voir son intervention ci-contre).

Slovenia formally assumes the six-month rotating #EUpresidency – amid criticism against its conservative PM @JJansaSDS, who is seen as following Hungary and Poland in undermining the #RuleOfLaw and democratic values.https://t.co/VYPk8S6Iac

— EUobserver (@euobs) July 2, 2021

La Slovénie, petit pays de 2 millions d’habitants, ne pèse pas du même poids que la Hongrie ou la Pologne. Son gouvernement est minoritaire et les contre-pouvoirs existent encore dans le pays. Le premier ministre est contesté pour sa gestion de la crise sanitaire. Les propos d’Ursula von der Leyen l’ont quelque peu déstabilisé et le président contrit et contraint a promis de faire au mieux. L’homme n’a pas encore la carrure de son idole, Trump.

Il n’empêche, l’épisode illustre à nouveau le fossé qui se forme au sein même de l’Union sur la question fondamentale des valeurs. Rien de nouveau à l’est. Un vent mauvais y souffle. Qui voit des populistes prospérer, prêts à tout pour se maintenir au pouvoir, malmenant les libertés fondamentales. «Il y a une montée de l’illibéralisme dans les sociétés postcommunistes», dit, par exemple, Emmanuel Macron. C’est un défi majeur pour les Européens. Je ne sais pas si tous en sont conscients. Nous avons tendance à minimiser ce qui se passe à l’est, pariant sur l’impéritie des dirigeants, le bon sens revenu et nous réfugiant dans une certaine forme de déni. Mais ils nagent dans un courant de pensée large et puissant qui traverse les océans et baigne les rivages les plus divers.

La présidence slovène, un mauvais moment à passer ? Sans doute. Et il faut s’armer de patience. La France prend la présidence de l’Union dans 6 mois. Emmanuel Macron est un Européen convaincu et cela devrait lui valoir un peu de gratitude. Peut-être pas de la part de ses compatriotes si volontiers contempteurs, surtout à la veille d’une élection, mais des europhiles en général.

André Crettenand