„Si on n'abandonne pas les énergies fossiles, on court à une catastrophe absolument gigantesque” — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Pour inverser la tendance, « il faudrait des actions très fortes et très rapidement, dans un délai de moins de trois ans », alerte la climatologue Sonia Seneviratne dans « Géopolitis ». Professeure à l’EPFZ et co-auteure de plusieurs rapports du GIEC, elle espère une ultime prise de conscience. D’ici 2100, la planète va subir une augmentation sans précédent d’événements météorologiques extrêmes, canicules, sécheresses ou pluies diluviennes, selon les experts. Les conséquences sont déjà là. Selon l’Organisation météorologique mondiale, le nombre de catastrophes a été multiplié par 5 ces 50 dernières années.

Moins de gaz russe, plus de pollution?

« On n’arrivera pas à stabiliser le réchauffement climatique si on n’accepte pas de manière très claire de laisser les énergies fossiles dans le sol. Sinon, on va vers une catastrophe absolument gigantesque », poursuit Sonia Seneviratne. Or, la guerre en Ukraine pourrait bien remettre en cause les objectifs climatiques de certains Etats, inquiets de manquer de gaz et de pétrole russes.

L’Allemagne et la Grèce envisagent de relancer leur production de charbon, à l’image de la Chine, qui avait déjà augmenté sa production en raison de la reprise économique. Confrontés à la grogne sociale due à la flambée des prix, plusieurs pays, dont la France, ont décidé de subventionner le carburant. Au niveau mondial, le secteur des énergies fossiles reste par ailleurs massivement subventionné. Les Etats y ont consacré chaque année 600 milliards de dollars en moyenne sur les 10 dernières années, selon l’OCDE.

Pour s’émanciper toujours plus du gaz russe, dont ils dépendent à hauteur de 40%, les Européens se tournent aussi vers le gaz naturel liquéfié, notamment américain, plus polluant que celui transporté par gazoducs.

Sur le recours au GNL, écouter le sujet de Cléa Favre dans La Matinale: Les Etats-Unis vont aider l’UE à réduire sa dépendance au gaz russe avec le GNL 

Le virage des renouvelables

« La guerre en Ukraine a montré à quel point nous sommes dépendants de ces flux d’énergies fossiles », relève Sonia Seneviratne. Elle compte sur une prise de conscience des atouts des investissements dans les énergies renouvelables, qui « nous permettra aussi d’avoir des gains au niveau de la sécurité géopolitique. »

Pour la chercheuse, le monde n’a pas d’autre choix qu’opérer un changement de cap radical. « On voit que les solutions sont bien meilleur marché maintenant qu’elles ne l’étaient il y a environ 20 ans, (…) que ce soit le solaire ou l’éolien », dit-elle. « Il y a aussi beaucoup de potentiel au niveau de la mobilité électrique. Donc on voit qu’il y a des solutions qui nous permettraient déjà de diminuer nos émissions de manière très claire en peu de temps. » Le chemin est encore long. La forte dépendance aux énergies fossiles, toujours autour de 80% au niveau mondial, n’a pas diminué en 10 ans.

Mélanie Ohayon