Rohingyas: le drame oublié — Genève Vision, un nouveau point de vue

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« Les conditions de vie des Rohingyas se détériorent dans les camps de réfugiés au Bangladesh, où ils se trouvent depuis 2017. Ils ne peuvent pas rentrer chez eux ni s’installer au Bangladesh. Ils survivent dans une sorte de limbes. Les réfugiés doivent faire face à la violence des gangs. Des activistes ont été assassinés en 2021 ainsi que la semaine dernière. La communauté internationale s’intéresse beaucoup moins à eux, parce qu’il y a la guerre en Ukraine ou ailleurs. Une solution politique et humanitaire peine à émerger », poursuit-elle.

Agnès Callamard demande le retour de la démocratie en Birmanie où la situation s’est dégradée. « Les Rohingyas ont été pourchassés en 2017 et depuis, pas un général de l’armée n’a dû répondre de ses actes devant un tribunal. Les militaires sont au pouvoir. Même si les efforts au niveau international pour la justice ont progressé, nous sommes loin d’un résultat, cinq ans après les faits ».

La Cour internationale de Justice a rejeté les objections de la Birmanie et s’est déclarée compétente pour continuer son rôle, suite à la plainte déposée par le gouvernement de la Gambie contre la junte birmane. La Cour pénale internationale (CPI) enquête sur les crimes commis contre les Rohingyas en 2016-2017 et sur le fait que certains crimes ont été commis sur le territoire du Bangladesh. L’Argentine mène aussi l’enquête suivant le principe de la juridiction universelle.

L’appel à des sanctions internationales

« Nous demandons un retour à la démocratie en Birmanie et la justice pour les Rohingyas, mais nous ne sommes pas naïfs. C’est sous un régime supposément démocratique que des violences et des crimes de grande envergure ont été commis contre les Rohingyas. Des sanctions contre la junte militaire doivent être mises en œuvre par tous les acteurs de la communauté internationale, car il est impensable que la junte puisse bénéficier d’une assistance militaire ou économique qui lui permette de réprimer de la façon dont elle le fait », souligne Agnès Callamard.

Elle ne cache pas son inquiétude. « Il semblerait que le Bangladesh se tourne vers la Chine pour l’aider à rapatrier les Rohingyas en Birmanie alors qu’ils ne peuvent pas retourner chez eux dans le contexte actuel. On ne peut pas demander à la Chine d’apporter un soutien à une politique qui constituerait une violation de la Convention de Genève sur les réfugiés et une violation des droits humains. Un retour des Rohingyas chez eux risquerait de les exposer à la torture ou à des exécutions. C’est inacceptable. Il est urgent d’apporter une assistance aux Rohingyas dans le domaine de l’éducation, dans le petit business et d’envisager une réinstallation à l’extérieur du Bangladesh pour les plus vulnérables ».

Conditions désastreuses

Crainte également de la part du Comité international de la Croix-Rouge « concernant la situation de centaines de milliers de musulmans de Rakhine qui résident actuellement au Bangladesh. Nous sommes également préoccupés par les milliers de familles musulmanes qui restent déplacées à Rakhine, ainsi que par les familles des États Kachin et Shan en raison des nombreux conflits armés prolongés au Myanmar », nous détaille Fatima Sator, responsable des relations publiques au CICR.

Au Myanmar, des milliers de personnes restent déplacées, avec de graves conséquences humanitaires. Depuis 2012, quelque 130 000 musulmans vivent dans des camps dans le centre de Rakhine, où les conditions sont désastreuses. Pendant une décennie, ils ont vécu dans des camps restreints et fermés, sans aucune perspective d’amélioration, précise la représentante du CICR.

L’organisation humanitaire basée à Genève ajoute que « ces familles doivent avoir accès réguliers à des services de santé de base, à l’éducation et à la possibilité de gagner un revenu durable. Les familles touchées par les violences de 2017 restent largement dépendantes de l’aide, sans solution durable en vue. De 2018 à 2020, des familles bouddhistes et musulmanes ont été déplacées et touchées par des affrontements, toujours confrontées à de graves conséquences humanitaires, le cessez-le-feu de novembre 2020 ayant peu d’effet sur leurs vies ».

Luisa Ballin