Renvoi des Algériens illégaux en Suisse: Berne négocie avec Alger — Genève Vision, un nouveau point de vue

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La ministre de Justice et Police, qui a accordé un entretien à la RTS à son retour à Berne vendredi, a cependant tenté de faire bouger les choses. « J’ai eu des entretiens avec les personnes-clés sur place, avec le président de la République algérienne, qui m’a reçue », a souligné d’emblée Karin Keller-Sutter. Ses interlocuteurs lui ont expliqué qu’en principe toutes les frontières étaient effectivement fermées, mais que l’Algérie était prête à reprendre ses citoyens une fois qu’elles seront à nouveau ouvertes.

« Nous avons aussi convenu, et c’est important, de trouver des solutions pratiques malgré ces restrictions », a précisé la conseillère fédérale sans donner plus de détails. Les réunions techniques doivent en effet se poursuivre entre les deux Etats.

Un problème de longue date

Si la crise du Covid-19 a fermé beaucoup de frontières, ces problèmes de renvoi avec l’Algérie existaient déjà avant la pandémie. Il s’agit en effet de l’un des pays africains vers lesquels la Suisse n’arrive pas à renvoyer les requérants d’asile déboutés, les personnes arrivées illégalement ou celles qui ont perdu leur autorisation de séjour.

Les deux pays ont signé un accord de réadmission en 2007. Mais, à l’inverse du Nigeria où Karin Keller-Sutter s’est rendue plus tôt cette semaine, les choses restent compliquées dans la pratique avec l’Algérie.

L’écueil des vols directs

« L’accord de réadmission, en principe, fonctionne », a souligné la conseillère fédérale. « C’est clair qu’il y avait des restrictions. Ils n’ont par exemple accepté que les vols directs. C’est une piste que l’on peut discuter – d’accepter aussi les vols en transit, de partir de Paris par exemple, une possibilité tout à fait praticable ».

Karin Keller-Sutter ne mentionne pas, en revanche, la question plus délicate des vols spéciaux pour les récalcitrants, que les compagnies aériennes refusent de prendre sur leurs vols passagers. Une autre difficulté provient du fait que l’Algérie exige des preuves de la nationalité avant d’accepter un renvoi.

Pas une priorité côté algérien

Et si les choses bloquent, c’est aussi parce que les autorités algériennes tentent de négocier en échange le retour des membres d’un parti déclaré hors-la-loi dans le pays.

Plus généralement, Alger ne considère pas ces réadmissions comme une priorité, d’autant qu’une partie de ces migrants sont vus comme des aventuriers, certains sont même de petits délinquants.

Aussi des discussions économiques

Cela n’a donc pas la même importance politique qu’en Suisse où Karin Keller-Sutter est sous pression du Parlement et des cantons. Elle peut cependant faire miroiter à l’Algérie la perspective d’une meilleure coopération économique.

La conseillère fédérale se refuse cependant, en l’état, de révéler la teneur des discussions à ce propos. « Je serais très tentée de tout vous dire, publiquement, mais si j’en parle trop, je mets peut-être le résultat en péril », a expliqué la ministre de Justice et Police. Mais elle se dit confiante et espère que ce qui a été convenu va aboutir à des résultats propres à améliorer la situation.

La Suisse et l’Algérie veulent par ailleurs également renforcer leur entraide judiciaire et leur coopération contre le terrorisme.

Parmi les cantons contactés par la RTS, les autorités vaudoises espèrent des résultats concrets mais voient déjà dans cette visite un bon signal.

Etienne Kocher/oang