Raphaël Glucksmann: „Vladimir Poutine ira aussi loin qu'on lui permettra d'aller” — Genève Vision, un nouveau point de vue

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« Vladimir Poutine ira aussi loin qu’on lui permettra d’aller », explique-t-il vendredi au micro de La Matinale. « La seule solution pour faire face à un tyran comme lui et sa dynamique guerrière, c’est la fermeté, qui est la meilleure manière d’assurer notre sécurité. On doit lui montrer à tout prix qu’il ne peut pas gagner la guerre en Ukraine et qu’il ne peut plus compter sur la faiblesse des Européens. »

Nombreux signes avant-coureurs

S’il a fallu la guerre en Ukraine pour que l’Europe ouvre enfin les yeux sur le régime russe, pour Raphaël Glucksmann, de nombreux signes avant-coureurs auraient dû lui permettre de la voir venir. « Vladimir Poutine a commencé son règne en faisant la guerre en Tchétchénie, puis en Géorgie, puis en Syrie, et maintenant en Ukraine. Et ce n’est pas à chaque fois une histoire locale. Ce qu’il disait viser, c’est ce qu’il nomme l’Occident collectif. »

Selon l’eurodéputé français, ceux qui avaient alerté sur les dangers de ce régime – qualifiés souvent « de droits-de-l’hommistes ou de romantiques » – étaient en fait les véritables réalistes. « Il est temps de s’en rendre compte. Si l’Ukraine n’avait pas résisté, nous serions dans une situation sécuritaire catastrophique face à un régime qui depuis le début entend nous faire la guerre. »

Si la guerre en Ukraine fait rage depuis maintenant plus d’un an, le réveil des Occidentaux se fait toutefois encore attendre, estime Raphaël Glucksmann. « Nous sommes dans un entre-deux », précise-t-il avant d’expliquer que, selon lui, les sanctions contre la Russie devraient être encore plus drastiques. « Comment se fait-il par exemple qu’elles exemptent la filière nucléaire pour faire plaisir à la France? »

Dans les cyberattaques russes auxquelles plusieurs pays européens ont fait face, l’eurodéputé voit « une menace sur notre sécurité, notre souveraineté. Ce n’est pas seulement l’Ukraine qui est concernée. Et cela, la population européenne et les dirigeants ne l’ont pas compris. »

Corruption et illusion

Deux raisons expliquent cette situation, analyse Raphaël Glucksmann. Il y a tout d’abord une forme de corruption qui s’est organisée de manière insidieuse. « Des anciens dirigeants européens ou des cadres de nos Etats sont partis travailler pour le régime russe. Un régime qui leur a promis une sorte de retraite dorée. Ils ont utilisé leurs réseaux pour cultiver l’image d’un Poutine qui serait un partenaire. »

Et, au-delà de ces réseaux de corruption, il y a aussi l’illusion selon laquelle l’Occident n’aurait plus d’ennemis fondamentaux ou d’adversaires idéologiques. « Autrement dit, l’illusion que tout devrait désormais se réduire au commerce qui aplanirait la terre. Puisqu’on signe des accords de gaz avec Vladimir Poutine, on a cru au final qu’il était un partenaire et qu’il ne pouvait pas vouloir notre destruction. »

A qui la faute? A la gauche et sa vision du pacifisme ou à la droite lobbyiste? « Chaque famille politique a contribué à cette illusion », répond Raphaël Glucksmann. Il faut que tout le monde prenne aujourd’hui ses responsabilités et arrête « de cacher la poussière sous le tapis ».

« Il faut que chacun prenne enfin une position claire face à ce conflit qui met en cause non seulement l’existence d’une démocratie comme l’Ukraine, mais aussi la stabilité et la sécurité du continent européen pour les décennies qui viennent. »

Investir dans la cyberdéfense

La solution, pour lui, passe par un renforcement des moyens de défense militaire. « Il faut investir dans nos armées, car ces dernières années, on les a laissé se déliter en Europe parce que nous étions sûrs qu’il n’y aurait plus jamais de guerre de haute intensité. » Aujourd’hui, il faut donc investir, non seulement dans les forces militaires, mais aussi dans la cyberdéfense.

« Quand les gens pensent que les régimes russes et chinois sont des rémanences d’un passé révolu, des formes d’archaïsme, c’est faux. Les méthodes utilisées par les Russes pour déstabiliser les démocraties européennes sont complètement modernes. C’est nous qui vivons dans un monde qui n’existe plus. Il est temps d’investir financièrement et intellectuellement dans ces sujets-là. »

Propos recueillis par David Berger

Texte pour le web: Fabien Grenon

Selon Raphaël Glucksmann, la position de la Suisse est une « grande déception »

La Suisse est souvent critiquée pour ne pas avoir donné son accord à la réexportation d’armes, ou pour sa trop grande neutralité. Des critiques auxquelles se joint l’eurodéputé Raphaël Glucksmann.

« C’est une grande déception pour nous, car la Suisse est un partenaire essentiel pour l’UE », explique-t-il au micro de La Matinale. « La Suisse est intégrée au mode de vie de l’UE, à son environnement, à son marché. On a des relations co-substantielles avec la Suisse. Autrement dit, quand l’UE est menacée, ce que nous aimerions, c’est une forme de solidarité plus forte. »

Pour lui, l’histoire de la Suisse et son attachement à sa neutralité devraient passer après. « Là, nous sommes face à un problème qui ne peut être résolu que si nous travaillons ensemble. S’il y a un endroit qui fait défaut dans cette solidarité, ça peut ébranler l’ensemble du dispositif. »