Quel bilan politique la Chine peut-elle tirer de ses Jeux olympiques?

21 février 2022

La flamme olympique s’est éteinte dimanche soir à Pékin. Entre tensions internationales, accusations de violation des droits de l’Homme et mesures sanitaires drastiques, ces 24e Olympiades d’hiver se sont déroulées dans un contexte très contrôlé. L’évènement reste néanmoins un succès indéniable pour le régime chinois.

L’objectif de ces Jeux, pour Pékin, était de démontrer au monde, et surtout à sa population, l’efficacité du système de gestion du parti communiste. Et sur ce plan, l’évènement semble avoir été un succès indéniable pour le régime chinois.

Forum / 18h. / 3 min. / 20.02.2022

Les autorités sont notamment parvenues à maintenir, comme prévu, ces joutes hivernales malgré la déferlante Omicron. L’occasion a été pour le dirigeant chinois Xi Jinping d’exhiber sa stratégie « Zéro Covid », présentée en Chine comme le symbole de la supériorité du système de gouvernance par rapport aux démocraties libérales « chancelantes, laxistes et incompétentes ». En plaçant les milliers de visiteurs dans une bulle hermétique, sans déroger aux protocoles sanitaires drastiques en vigueur dans le reste du pays, le pouvoir s’est affiché en protecteur du peuple.

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Jeux aseptisés et sans âme

Mais à quel prix? Beaucoup ont critiqué des Jeux olympiques froids, aseptisés et sans âme. Peu importe. Pékin brandit aujourd’hui ses chiffres. En fin de semaine, aucun cas d’infection n’a été détecté dans la bulle.

Lors de la cérémonie de clôture dimanche, Thomas Bach, le président du CIO, a loué une « organisation parfaite ». De quoi donner le sourire à Xi Jinping en cette année si importante. Dans quelques mois, le parti communiste renouvelle sa classe dirigeante à l’occasion de son congrès organisé une fois tous les cinq ans. Lors de ce rendez-vous, le dirigeant chinois sera reconduit au-delà des deux mandats autorisés à ses prédécesseurs, du jamais vu depuis la mort de Mao Zedong.

On comprend dès lors pourquoi ces Jeux se devaient d’être sans accrocs. Les autorités chinoises avaient d’ailleurs mis en garde les éventuels militants ou activistes. Ce qui semble avoir fonctionné. Les athlètes sont restés sages. Il faut dire que le pouvoir n’avait pas hésité à les intimider avant les Jeux en prévenant que tout acte politique serait puni selon le droit chinois. Et ce, même si les autorités chinoises avaient déclaré ne pas vouloir mélanger sport et politique.

Jeux politisés à l’extrême

Loin de l’idéal olympique qui consiste à unir le monde, les Jeux de Pékin 2022 auront surtout mis en exergue ses profondes divisions. A quelques heures de la cérémonie d’ouverture, Xi Jinping a tenu un sommet exceptionnel avec Vladimir Poutine pour mettre en scène le renforcement de l’axe Pékin-Moscou face aux démocraties libérales. Des démocraties auxquelles Xi Jinping a aussi assené une grosse gifle lorsqu’une jeune athlète ouïghoure, inconnue, a allumé la flamme olympique.

Sans compter la question de la répression des minorités du Xinjiang qui a été qualifiée de « mensonge du siècle » par le comité olympique chinois en conférence de presse jeudi dernier. Ni celle de Taiwan, « indivisible de la Chine » comme l’a martelé très officiellement ce même comité.

Sujet radio: Michael Peuker

Adaptation web: Fabien Grenon

Grégory Quin: « On est arrivé au bout d’un modèle »

Polémiques diverses, neige 100% artificielle, pistes de ski créées de toute pièce pour l’occasion, événement très politisés: les Jeux olympiques de Pékin ont fait coulé beaucoup d’encre. Et ils posent la question du modèle futur des JO d’hiver.

Pour l’historien de sport à l’Université de Lausanne Grégory Quin on est arrivé au bout d’un modèle. Mais le changement promet d’être compliqué.

« Le sport n’est pas un simple miroir de la société. Il est un rouage qui fonctionne avec la société. On voit bien qu’en sortant de la crise du Covid, le réflexe des principaux gouvernements, c’est qu’il faut retrouver la croissance, relancer la machine économique. Le CIO est un peu dans le même modèle capitaliste néo-libéral. Envisager de faire moins la prochaine fois sera un peu compliqué », déplore-t-il dimanche au micro de Forum.

Pour l’avenir des Jeux olympiques, du moins ceux d’hiver, le chercheur évoque plusieurs pistes, comme la réutilisation d’infrastructures déjà existantes, l’organisation des joutes dans des villes qui ont déjà organisé les Jeux par le passé, ou encore l’association entre plusieurs régions, voire pays.

« En tout cas, il y a une volonté dans la communication du CIO. Après, est-ce qu’ils sont capables de transformer ça en réalité politique dans leur gouvernance propre? C’est compliqué », admet-il. « Le CIO, c’est à l’image d’autres lieux de pouvoir dominés par des personne d’un certain âge moins en prise avec ce que les plus jeunes, qui sont les consommateurs de ces Jeux, aimeraient. »