Proche-Orient: la paix introuvable

21 mai 2021

Le monde regardait ailleurs, lassé par une situation qui s’éternisait, rassuré par le calme apparent et, surtout, pris par d’autres affaires. L’explosion de violence qui a secoué le Proche-Orient a contraint la communauté internationale à s’y intéresser à nouveau, presque à regret, comme on le voit bien avec Joe Biden lui-même, embarrassé, lâchant quelques rares paroles et peu enclin à bouger. Un cessez-le-feu, ce n’est pas encore la paix.

Le contraste est frappant lorsqu’on observe l’énergie dont le président américain a fait preuve ces dernières semaines en politique étrangère, renouant le dialogue avec l’Iran, refondant la relation avec les Alliés, réinvestissant les institutions internationales, mettant au pas Poutine, mettant en garde la Chine. Mais pas d’initiative sur le Proche-Orient. Antony Blinken, lors de son audition au Sénat, avait estimé que les choses ne changeraient pas de sitôt là-bas, pour s’excuser de n’avoir pas d’intentions particulières sur ce sujet.

La Matinale / 6h. / 2 min. / 21.05.2021

Le conflit sans fin a découragé les meilleures volontés. Tous les présidents américains s’y sont cassé les dents. La désillusion et la fatigue sont bien compréhensibles. Elles ne sont pas des raisons suffisantes pour oublier le Proche-Orient. Micheline Calmy-Rey, qui a suivi le dossier durant ses 9 ans à la tête de la diplomatie suisse, disait justement au « 19h30 », que ce nouveau conflit « était un échec du droit international humanitaire ».

Les civils en sont les principales victimes, comme souvent. L’envoi par le Hamas de milliers de roquettes sur les populations civiles d’Israël, comme les bombardements de l’aviation israéliennes sur des zones habitées, tout cela est hallucinant et doit être condamné, sans réserve. A cet affrontement guerrier se sont ajoutées les échauffourées dans les villes dites mixtes entre Juifs et Arabes.

Micheline Calmy-Rey évoquait aussi l’« Initiative de Genève », qui avait réuni, en 2003, des personnalités israéliennes et palestiniennes autour d’un projet de paix négociée. Le beau projet n’a pas abouti, mais il est opportun d’en rappeler quelques principes, car ils restent des références : deux Etats, le partage de la souveraineté à Jérusalem, le retrait des colonies israéliennes et le droit au retour des réfugiés palestiniens.

Des références, mais pas des objectifs réalistes dans l’immédiat. La situation est devenue plus complexe encore avec la montée de l’extrémisme en Israël, l’opportunisme de leaders en recherche d’assise politique, Benyamin Netanyahou d’un côté, et Mahmoud Abbas, de l’autre, d’abord soucieux de leur avenir politique. La crise les conforte dans leur position. « Les deux responsables essaient de se maintenir au pouvoir, quitte à radicaliser les opinions de part et d’autre », dit Hasni Abidi, du Global Studies Institute de Genève. Il est un facteur de plus qui joue un rôle important cette fois-ci, c’est la frustration des nouvelles générations palestiniennes privées d’élections. L’annulation des élections en Palestine par Mahmoud Abbas est aussi une source de fort mécontentement.

Dans cette phase de tension aiguë, plusieurs pays ont eu un pouvoir d’influence : les Etats-Unis bien sûr, malgré leur embarras, l’Egypte voisine et le Qatar, proche du Hamas. Mais si l’on trouve toujours à un moment donné un accord de cessez-le-feu, on ne convient jamais d’un règlement politique. Sans doute parce que seule une entente directe entre les deux partis au conflit pourra résoudre un jour la question. Qui sait si Genève pourra à nouveau jouer un rôle d’intermédiaire apaisant.

André Crettenand