Pablo Picasso entre génie et zones d'ombre, 50 ans après sa mort — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Les céramiques de Picasso, Picasso et le féminisme, le blanc chez Picasso, Picasso sous l’oeil de célèbres photographes, le jeune Picasso à Paris, Picasso sculpteur… Le monument est conjugué à toutes les sauces dans le cadre de son « année », fêtée en France et en Espagne.

Picasso dans son atelier de Vallauris en 1953. [AP/Keystone]

Il reste « au-dessus de tous », estime Bernard Blistène. Cet ancien directeur du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou à Paris loue – comme d’autres spécialistes unanimes – le « génie » du père de « Guernica » et des « Demoiselles d’Avignon ».

« La puissance dévastatrice de l’oeuvre de Picasso au regard de celle des autres, l’invention permanente, la traversée de tous les grands courants de la modernité, l’expérimentation pendant plus de 80 ans (Picasso a peint jusqu’à sa mort un 8 avril à 91 ans, ndlr), la volonté de plaire et de déplaire… Tout cela est inégalé », ajoute-t-il dans une interview à l’AFP.

Aussi un prédateur vis-à-vis des femmes

Mais avec le mouvement #MeToo, l’image de ce monument de la peinture a été écornée par des accusations de misogynie et de violences envers ses anciennes compagnes. Alors qu’on n’en parlait pas ou peu il y a encore quelques années, de récentes biographies le présentent désormais en prédateur jouissant d’une totale impunité. Et ces nouveaux narratifs interpellent la jeune génération.

Picasso et son épouse Jacqueline (gauche) à Vallauris en 1961. [AP/Keystone]

« Ce n’était pas un homme respectueux. Dans ses tableaux, il représente bien comment les hommes voyaient les femmes, comment elles étaient dans la société », analyse Marie-Emilie, une adolescente de 15 ans, samedi dans le 19h30 de la RTS

« On a vu qu’il était très proche de plusieurs femmes, il les représentait nues et ça représente sa vie entre guillemets », souligne Hugo, 14 ans. C’est bien d’expliquer tout ce qui s’est passé, la vérité », relève à son tour Lucie, 14 ans également. « Comme ça, on n’est pas dans le flou quand on regarde les oeuvres. »

Vénérer comme se servir des femmes

« Picasso pouvait vénérer les femmes comme il pouvait s’en servir », analyse Raphaël Bouvier, conservateur à la Fondation Beyeler, samedi dans le 19h30 de la RTS. « Il n’y a jamais eu aucune plainte juridique envers Picasso pour viol ou violence physique », rappelle-t-il. « Il faut vraiment faire une séparation stricte entre ce qu’il représente et sa personne, en tant qu’homme. »

Au Musée Picasso de Paris, la question de la toxicité de Pablo Picasso envers les femmes a été prise à bras le corps. Depuis quelques années, des jeunes interpellent sa conservatrice sur l’emprise psychologique qu’il a eue sur toutes ses épouses, dont Marie-Thérèse Walter qu’il a prise comme modèle et maîtresse alors qu’elle n’avait que 17 ans.

Accompagner le changement de regard

« Je comprends extrêmement bien le caractère presque insupportable de ces figures d’hommes tout puissants et dominants », souligne Cécile Debray dans le 19h30.

« On n’est pas là pour faire une sorte de monument à Picasso ou au musée Picasso », poursuit-elle. « Nous sommes là pour accueillir le débat, pour accompagner ce changement de regard, et surtout pour transmettre la puissance de cette oeuvre qui est quand même une œuvre exceptionnelle. Et on essaie de trouver un modus vivendi dans ce climat assez polémique. »

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oang avec afp et Cecilia Mendoza