Martina Avanza: „Aux États-Unis, une femme sur quatre va avorter” — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Un tel recul du droit des femmes est donc désormais possible aux États-Unis. « Depuis la présidence Trump, des pions ont été mis en place pour arriver à ce résultat », rappelle Martina Avanza, sociologue à l’Université de Lausanne, invitée mercredi de La Matinale de la RTS.

« Il y a une accélération », poursuit-elle. « Je pense que même les républicains ne s’attendaient pas à ce que ça arrive aussi vite. » Cette spécialiste des mouvements conservateurs et des droits des femmes relève au passage que la fuite d’un projet de la Cour Suprême dans les médias est un événement assez inédit aux États-Unis. « C’est une bombe politique, ce qui est en train de se de se passer. »

Possible remobilisation côté démocrate

Reste à savoir à qui profitera la publication de cette information. « Il semblerait que ça penche plutôt du côté démocrate », souligne Martina Avanza. « Ils ont un avantage dans le sens où les midterms [élections de mi-mandat] vont arriver en novembre. Le parti démocrate a un président qui n’est pas très populaire, ses soutiens ne sont pas très mobilisés, donc ça pourrait remobiliser les troupes au niveau électoral », analyse-t-elle.

« Des gens qui ne comptaient pas aller voter vont certainement davantage le faire et ça pourrait aussi faire basculer ce qu’on appelle des ‘swinging groups’, donc des ‘groupes bascule’ au niveau électoral », poursuit la sociologue. Elle cite en exemple les femmes qui vivent dans les banlieues, qui sont plutôt conservatrices mais qui peuvent basculer du côté démocrate du fait de cette radicalisation des positions sur l’avortement.

« Une majorité reste favorable au droit fédéral »

Le président Joe Biden a du reste déjà récupéré cette fuite mardi, en appelant tous ceux qui sont contre cette interdiction de l’avortement à voter démocrate. Et cela pourrait effectivement devenir un argument de poids pour faire basculer le vote.

« Ce que disent les sondages », relève Martina Avanza, « c’est qu’une majorité des Américains restent favorables au droit fédéral tel qu’il existe ». Mais cela pourrait être différent si un compromis se dessinait au sein de la cour avec l’introduction plutôt d’un régime des délais.

« Une majorité de femmes sont, comme une majorité d’Américains, favorables à la liberté recourir à l’IVG », rappelle la professeure de l’Unil. « Mais auprès de l’électorat républicain, c’est plus partagé », précise-t-elle.

« Néanmoins, les femmes républicaines seraient davantage favorables à une restriction qu’à une interdiction. Donc, si on va vers une restriction, ça pourrait jouer en faveur du parti républicain, devenir une victoire politique. Si ça devient une interdiction totale, ça pourrait éloigner des femmes du vote républicain, sachant que les femmes y sont déjà minoritaires. »

Des conséquences très directes pour les Américaines

Concrètement, les conséquences seraient très directes pour les femmes dans les États qui décideraient d’interdire l’IVG. « Il faut avoir en tête que c’est une expérience courante dans la vie des femmes, une femme sur quatre va avoir un avortement aux États-Unis avant ses 45 ans », note Martina Avanza.

« Et je doute que ces femmes-là soient toutes démocrates », ajoute-t-elle. « Il y aura évidemment celles qui pourront voyager dans un État voisin où l’avortement serait encore légal. Et il y aura celles qui ne pourront pas, parce qu’elles n’en ont pas les moyens. Cela créerait d’énormes disparités sur la vie des femmes dans la maîtrise de leur reproduction, de leur sexualité. »

L’analyse de Gaspard Kühn dans le 19h30

Propos recueillis par Valérie Hauert/oang

Impasse pour les démocrates au Parlement

Les Etats-Unis sont sous le choc après la fuite de l’avant-projet de la Cour Suprême. Au Capitole, siège du Parlement américain, les démocrates réactivent leurs efforts pour protéger le droit à l’avortement sur le plan législatif.

Mardi soir, leurs sénateurs ont déposé un projet de loi pour ancrer l’accès à l’IVG dans le droit fédéral. Cela aurait pour effet de bloquer des interdictions au niveau des États, mais cette stratégie législative semble déjà vouée à l’échec.