L’incroyable défi lituanien

4 février 2022

C’est un conflit qui se joue aussi à Genève. Plus discret, sans face-à-face présidentiel, sans caméras, il est un épisode de plus dans la guerre qui oppose la Chine au reste du monde.

La Lituanie a osé. Et cette audace vaut crime. Elle a accepté d’accueillir à Vilnius un bureau officiel de représentation de Taïwan. La reconnaissance semble banale. Aucun pays ne l’a pourtant tentée. De peur de susciter la colère de la Chine qui considère l’île comme une province égarée et qu’elle entend bien réintégrer dans son empire. Raisonnables, prudents, les États acceptent parfois une représentation de la ville de Taipei, pas plus, pas au-delà, et ils évitent ainsi d’irriter la Chine.

Keystone/Fabrice Coffrini

L’Union européenne a décidé de porter l’affaire devant les instances de l’Organisation mondiale du commerce à Genève.

La Chine a enclenché une batterie de rétorsions commerciales et veut faire plier l’impétrant. Elle bloque ses exportations, elle fait pression sur les multinationales pour qu’elles cessent leur commerce avec la Lituanie. A défaut d’invasion, elle mise sur l’étouffement économique.

Un conflit à bas bruit. Il ne mobilise pas des canons et des troupes aux frontières, il est donc moins spectaculaire. Mais il n’en est pas moins violent. Et c’est la raison pour laquelle l’Union européenne a décidé de porter l’affaire devant les instances de l’Organisation mondiale du commerce à Genève.

C’est un acte politique, mais plutôt symbolique. On n’imagine pas que le conflit puisse trouver sa résolution dans les travées du régulateur mondial. L’Union européenne est empruntée par la démarche impromptue de cet État balte, membre depuis 2004 comme ses voisins la Lettonie et l’Estonie. Elle se serait bien passée de devoir prendre position, et rechigne à être entraînée dans cette affaire. Elle a assez de souci avec la Russie, l’Ukraine, les GAFA, les réfugiés, les régimes illibéraux.

Moins de trois millions de Lituaniens face à un milliard et demi de Chinois. Pour le moins asymétrique, et fou. Ce n’est pas toujours David qui gagne contre Goliath, contrairement à une légende trompeuse, et c’est souvent la grenouille qui explose. Ici, on est dans le réel, pas un conte joyeux.

Pour la Chine, la Lituanie est une simple escarmouche dans le grand dessein de l’empire.

La décision de la Lituanie étonne. Elle la justifie en mettant en avant une politique étrangère soucieuse de droits humains et de défense des démocraties. Il faut sans doute y ajouter un peu de détermination. La Lituanie n’en manque pas. Elle s’est extraite de l’emprise russe, elle s’est ancrée dans l’Union européenne et l’OTAN. A sa manière, elle se sent pousser des ailes. La Lituanie accueille, par exemple, les opposants biélorusses. Elle soutient l’Ukraine. A l’occasion, elle condamne la Russie.

Pour la Chine, la Lituanie est une simple escarmouche dans le grand dessein de l’empire. Taïwan est déjà sur les plans d’invasion. Mais l’épisode témoigne de l’intransigeance actuelle de la Chine, peu disposée à accepter la moindre concession sur le plan diplomatique.

Et ce n’est pas l’ouverture des JO, ce grand exercice de communication sur lequel elle mise tant, qui la retient. Les courageux Lituaniens expérimentent dans une sorte d’exercice « crash test », ce qu’il en coûte de défier la puissance chinoise. Ils ont déjà gagné la médaille d’or du courage.

André Crettenand

La Lettre internationale du 5 février 2022: JO je vois tout du ciel – folle Lituanie – SDN numérisée – Vibrer c’est penser – sorcières bien-aimées – femmes glorieuses – Europe, changer ou mourir – MAMCO c’est beau – Antigel – Nicolas Feuz

A consulter aussi