Les universités australiennes sous la pression de la Chine — Genève Vision, un nouveau point de vue

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La Chine, qui comptait en 2020 quelque 160’000 étudiants présents sur l’île-continent, semble l’avoir bien compris et se permet d’exercer une certaine influence sur la vie et le bon fonctionnement de certains campus australiens.

Harcèlements et intimidations

Comme le révèle Human Rights Watch, il ne serait pas rare que le gouvernement chinois et les étudiants soutenant le Parti communiste harcèlent et intimident celles et ceux qui expriment leur soutien aux mouvements pro-démocratie.

Cette pratique met directement en péril la liberté académique qui prévaut normalement en Australie, dénonce l’ONG dont le rapport parle de nombreux cas d’étudiants qui n’osent pas exprimer leurs opinions en classe ou qui ont peur de participer à des manifestations. La moitié des étudiants interrogés par Human Rights Watch déclarent ainsi avoir été menacés.

C’est par exemple le cas d’une jeune fille qui se fait appeler Horror Zoo sur Twitter. L’an dernier, elle a organisé une manifestation pour dénoncer le sort subi par les docteurs et les journalistes qui ont essayé d’alerter le public à propos du Covid-19.

« Après cette manifestation, la police a commencé à enquêter sur moi. Et mes parents ont été embarqués au poste de police. Puis j’ai reçu un appel vidéo, il y avait mon père et un policier. Le policier m’a dit que je devais rentrer en Chine et me rendre. Ils m’ont dit que c’était illégal d’utiliser Twitter et de critiquer le PCC (Parti communiste chinois) », témoigne-t-elle au micro de l’émission Tout un monde.

A noter que ses parents, eux-mêmes membres du Parti communiste chinois, désapprouvent complètement son engagement. Elle a d’ailleurs fait le choix de ne plus leur parler, afin de les protéger. « S’ils ne savent rien de moi, la police les laissera tranquilles », assure la militante.

Omerta

De leur côté, les universités australiennes ne font pas grand-chose pour arranger cette situation. La consigne leur a d’ailleurs été donnée de ne pas mordre la main qui les nourrit, comme a notamment révélé à Human Rights Watch un enseignant.

Ce qui conduit à des situations assez incroyables, comme à Brisbane, sur le campus de l’université du Queensland, où une manifestation pro-démocratie a été brutalement interrompue par des nationalistes chinois. L’université n’a pas porté plainte. Et elle n’a rien dit non plus quand le consul général de Chine à Brisbane, qui est aussi professeur honoraire dans cette université, a salué ce qu’il a considéré être « un bel élan patriotique ».

Pour Drew Pavlou, qui fait partie des étudiants brutalisés pendant cette manifestation, c’est la preuve que c’est l’omerta qui domine lorsqu’il s’agit de la Chine.

« Quand l’administration Trump a bloqué l’entrée des Etats-Unis aux ressortissants de sept pays musulmans, l’université a publiquement condamné cette décision. Elle ne craint donc pas d’intervenir politiquement sur certains sujets », souligne-t-il. « Mais quand des nationalistes chinois ont débarqué sur le campus avec pour seule intention de provoquer des violences, ils ont refusé de les condamner nommément, appelant juste à une expression pacifique des opinions. »

Auto-censure de certains professeurs

Le rapport met même en lumière le choix de certains professeurs de s’auto-censurer en classe à propos de certains sujets sensibles, comme par exemple Taïwan, le Tibet, Hong Kong ou la question des Ouïghours.

La solution viendra peut-être du gouvernement. Il y a quelques mois, ce dernier a en effet adopté une loi sur les interférences étrangères qui lui donne le pouvoir d’abroger tout accord signé entre une entité australienne et un pays étranger, s’il juge que cet accord est contraire à l’intérêt national.

Sujet radio: Grégory Plesse

Adaptation web: Fabien Grenon