Les retards de livraison freinent la vaccination dans les pays pauvres — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Ainsi, 20’000 doses du vaccin AstraZeneca arrivées trop tard pour être utilisées ont été incinérées à la mi-mai au Malawi. Le Soudan du Sud, lui, va renvoyer plus de 70’000 doses, car il ne pourra pas les administrer avant leur expiration à la mi-juillet. Une situation à laquelle a été confrontée Médecins sans frontières (MSF). « Au Soudan du Sud, nous avons été sollicités pour des vaccins arrivés déjà périmés », explique Guillaume Schmidt, pharmacien auprès de MSF, mardi dans La Matinale.

Et d’ajouter: « Mais il nous a été absolument impossible de nous positionner, puisque nous ne savions pas si la chaîne du froid avait été correctement respectée. Connaître la validité des vaccins sur un stock périmé nécessite des besoins d’analyses beaucoup plus poussées. » Les raisons pour lesquelles ces pays reçoivent des doses si proches de la date de péremption, et donc difficilement utilisables, sont multiples.

Besoin de moyens matériels et humains

L’un des principaux facteurs est que le déploiement des vaccins est souvent ralenti par des soucis de distribution. « Ces pays ont plus l’habitude d’organiser des campagnes de vaccination avec le vaccin contre la poliomyélite ou la fièvre jaune. Mais cela coûte cher. Il faut des personnes et des véhicules disponibles pour aller jusqu’au fond des campagne », décrit Blaise Genton, médecin au CHUV et responsable de la campagne vaudoise de vaccination contre le Covid-19.

Il estime que lorsqu’un pays envoie des vaccins, « c’est sa responsabilité de s’assurer que tout le dispositif de campagne est prêt pour les distribuer assez vite. On l’a vu chez nous, le dispositif est impressionnant et la logistique demande de la rigueur. Il faut penser de la même façon dans tous les pays qui vaccinent. » Et les vaccins sont parfois livrés avec une durée de vie de seulement deux semaines. Or, il est souvent trop tard s’il faut compter l’acheminement.

Pour vacciner 30% de la population mondiale, il faudrait livrer cet été plusieurs centaines de millions de doses. Mais il y a déjà des imprévus. L’Inde, par exemple, devait fabriquer une grande partie des vaccins qui étaient promis à Covax. Mais avec l’explosion des cas sur son territoire, elle n’a pas pu exporter ses vaccins et les a gardés pour sa propre population.

Ces retards de livraisons expliquent que seulement 2% de la population du continent africain soit vaccinée.

Durée de vie des doses très courte

Une autre partie du problème réside dans la durée de conservation de ces vaccins: six mois pour AstraZeneca et un mois au frigo pour Moderna et BioNTech/Pfizer. Ces vaccins Covid-19 sont très récents, il n’y a donc pas de données pour savoir s’ils peuvent être gardés plus longtemps. « Dans les premiers temps, on s’est surtout attaché à l’efficacité du vaccin sans s’intéresser aux notions de stabilité. On s’aperçoit qu’il a la même qualité après quatre semaines ou une semaine au frigo. C’est la raison pour laquelle les conditions de stockages ont été modifiées », note Blaise Genton.

La Suisse a aussi dû jeter de nombreuses doses inutilisées, puisqu’il y a encore très peu de temps, le vaccin ARN ne pouvait pas survivre au-delà de cinq jours dans un frigo. Ces vaccins ARN durent donc plus longtemps, mais il faut quand même les utiliser sans tarder.

Virginie Langerock/Alexandra Richard/vajo