Les Chiliens rejettent massivement la proposition de nouvelle Constitution — Genève Vision, un nouveau point de vue

0

Un premier référendum en octobre 2020 avait pourtant clairement appelé à la rédaction d’un nouveau texte fondamental (79%), l’actuelle Constitution étant alors considérée comme un frein à toute réforme sociale de fond. Mais le fruit d’un an de travail des 154 membres d’une Assemblée constituante, élus en mai 2021 pour rédiger la proposition, a semble-t-il beaucoup bousculé le conservatisme d’une majeure partie de la société chilienne.

La proposition de constitution souhaitait établir une galerie de nouveaux droits sociaux dans une société ultra-libérale, aux fortes inégalités sociales, et entendait garantir aux citoyens chiliens le droit à l’éducation, à la santé publique, à une retraite ainsi qu’à un logement décent.

Pas forcément de gel

L’inscription dans le marbre du droit à l’avortement, un sujet qui fait débat dans le pays où l’IVG n’est autorisée que depuis 2017 en cas de viol ou de danger pour la mère ou l’enfant, ou encore la reconnaissance de nouveaux droits aux peuples autochtones, a crispé les débats souvent houleux dans une campagne baignée dans un climat de désinformaton.

Ce rejet ne signifie pas pour autant le gel de toutes les réformes. Selon Cecilia Osorio, de l’Université du Chili, « il y a un consensus sur le fait que la Constitution de 1980 n’est plus valable et que nous devrions passer à une autre » instaurant de nouveaux « droits sociaux, politiques et économiques ».

« C’est une défaite pour la refondation du Chili », a déclaré Javier Macaya, président du parti ultra-conservateur UDI lors d’une conférence de presse. « Nous allons continuer avec la volonté de poursuivre le processus constituant », comme s’y était engagé l’oppsoition.

Le président Gabriel Boric avait anticipé ce revers et annoncé qu’il demanderait au Parlement de lancer un nouveau processus constitutionnel repartant de « zéro », avec l’élection d’une nouvelle assemblée constituante pour rédiger un nouveau texte.

« Demandes insatisfaites »

Le président de gauche élu en décembre 2021 a été parmi les premiers à aller voter, avec son père et son frère, dans la ville de Punta Arenas, à l’extrême sud du pays, face au détroit de Magellan. « Au Chili, nous devons résoudre nos différences avec plus de démocratie, jamais avec moins. Je suis très fier que nous soyons arrivés jusqu’ici », a-t-il tweeté.

L’ancienne présidente Michelle Bachelet, qui vient de quitter son poste de Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme à Genève, où elle a voté, et qui demeure très populaire dans son pays, avait prévenu qu’en cas de rejet, « les demandes de Chiliens resteront insatisfaites ».

Comme elle, quelque 100’000 Chiliens installés à l’étranger étaient appelés à se prononcer dimanche, pour eux de manière volontaire. « Il est essentiel que s’opère un changement et de saisir ces opportunités qui nous sont données », a déclaré à l’AFP Karina Pinto, une styliste de 33 ans qui a voté à Paris, où le « j’approuve » l’a largement emporté.

« Echec retentissant »

La volonté de changement perçue à l’étranger et dans la capitale Santiago, surtout dans la jeunesse, n’a pas suffi à renverser le sentiment de rejet qu’inspirait le texte « dans le sud et le nord du pays », selon Marta Lagos, sociologue et fondatrice de l’institut de sondage Mori. Selon elle, les partisans du « non » forment un groupe « très hétérogène » avec une forte fibre « populiste » alimentée par la « peur » de se voir dépossédés.

Ces deux régions connaissent de graves problèmes de violence et d’insécurité. Dans le sud, en raison de conflits autour de terres revendiquées par des groupes radicaux indigènes Mapuche et, dans le nord, en raison de l’afflux migratoire, des problèmes de pauvreté et de trafic d’êtres humains.

« Personne n’avait prévu cet écart de plus de 20 points de pourcentage », a-t-elle écrit sur Twitter, qualifiant le résultat d’ »échec retentissant ». « Beaucoup de gens préfèrent le rejet car ils ont peur du changement », a déclaré dimanche lors de son vote Alfredo Tolosa, un travailleur de 47 ans dans un chantier de bois de Tucapel, localité de 13’000 habitants de la région de Biobio (sud).

ats/fgn