Les anti-putsch mobilisés au Soudan, le monde scrute la réaction de l'armée — Genève Vision, un nouveau point de vue

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« Les militaires ne nous dirigeront pas », affirme-t-elle à l’AFP. Et la « manifestation du million » promise sur les réseaux sociaux et par des graffitis sur les murs de Khartoum – où les autorités ont coupé Internet et le réseau téléphonique – n’est qu’un « premier pas ».

Car dans un pays dirigé quasiment sans interruption depuis son indépendance il y a 65 ans par des militaires, la rue a décidé de dire non au général Burhane qui a dissous lundi les institutions du Soudan et arrêté la plupart des dirigeants civils. Samedi matin, les forces de sécurité quadrillaient Khartoum, bloquaient les ponts la reliant à ses banlieues et fouillaient passants et voitures.

« Désobéissance civile »

Mais les manifestants le scandent depuis des jours: « pas de retour en arrière possible » après la révolte qui a renversé en 2019 le dictateur Omar el-Béchir, un général lui-même arrivé au pouvoir par un putsch 30 ans plus tôt, au prix de six mois de mobilisation et plus de 250 morts.

Depuis lundi, les Soudanais sont entrés en « désobéissance civile », juchés sur des barricades. Face à eux, les balles réelles ou en caoutchouc et les grenades lacrymogènes des forces de sécurité ont plu, fauchant déjà neuf d’entre eux, sûrement plus selon des médecins.

La télévision d’Etat, prise d’assaut par l’armée au premier jour du coup d’Etat, diffuse elle des témoignages de soldats portant des pansements à la tête et se disant victimes de violences des manifestants.

« Le monde regarde »

Malgré tout, assure Tahani Abbas, « notre seule arme, c’est le pacifisme et elle a déjà payé ». « Nous n’avons plus peur », martèle-t-elle encore, alors que les militants mettent en garde depuis des jours contre un « massacre ».

Jibril Ibrahim, ministre des Finances qui avait soutenu un sit-in pro-armée avant le coup d’Etat, a déjà prévenu. « Détruire des biens publics n’est pas une manifestation pacifique », a-t-il écrit sur Twitter, laissant entendre que les forces de l’ordre pourraient reprendre leurs tirs sur les manifestants qui montent des barricades parfois avec des poteaux.

« Les putschistes essayent de perpétrer des actes de sabotage pour trouver un prétexte à un déchaînement de violence », accuse déjà le porte-parole du gouvernement renversé lundi sur Facebook. Mais, met en garde Amnesty International, « les dirigeants militaires ne doivent pas s’y tromper: le monde les regarde et ne tolèrera pas plus de sang ».

De nouveau samedi, l’émissaire britannique Robert Fairweather a exhorté la sécurité soudanaise à « respecter la liberté et le droit d’expression », tandis que le chef de l’ONU Antonio Guterres enjoignait « les militaires à ne pas faire davantage de victimes ».

afp/kkub