Le vol interrompu: un défi à l'Europe — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Alexandre Loukachenko, élu président de la Biélorussie il y a 27 ans, exerce une répression terrible sur son pays de 9 millions d’habitants. Qui s’est accentuée depuis les dernières élections qui l’ont vu récolter 80% des voix, mais qui ont été contestées  avec force par l’opposition, et que l’Union européenne a refusé de reconnaître. Le pays compte des centaines de prisonniers politiques. Des dizaines de milliers de personnes ont été détenues à un moment donné. On y pratique la torture.

De nombreux opposants ont trouvé refuge en Pologne ou en Lituanie, comme l’emblématique Svetlana Tikhanovskaïa, candidate à l’élection présidentielle, et qui est sans doute la véritable gagnante du scrutin. Le jeune journaliste Roman Protassevitch était, lui aussi, en exil. Il avait pris un vol Athènes-Vilnius, à priori sans histoire, et sans crainte.

Digne des procès de Moscou

La confession que le régime de Loukachenko lui a extorquée, et publiée, est digne des procès de Moscou et signe, s’il était nécessaire, la marque des dictatures.

En détournant un avion, Loukachenko démontre sa toute-puissance sur terre et dans le ciel. Le dictateur a violé toutes les conventions internationales sur l’aviation civile et la sécurité des vols. Démesure d’un dictateur qui n’a rien à perdre et que le soutien indéfectible de Vladimir Poutine met, temporairement, à l’abri des sanctions. Le fait que des Russes soient restés curieusement à Minsk après le redécollage de l’avion et aient renoncé à leur destination initiale, Vilnius, jette la suspicion sur l’éventuel rôle de la Russie dans cette affaire.

L’épisode est un défi pour l’Union européenne, touchée au cœur. Une compagnie irlandaise reliant deux villes de l’Union européenne avec des passagers européens à bord. Elle interdit aux compagnies biélorusses le territoire européen et demande aux compagnies européennes d’éviter l’espace biélorusse. Elle prépare une série de nouvelles sanctions. En isolant la Biélorussie, et vite, elle s’est montrée à la hauteur.

Une réaction salutaire

L’Union européenne a surtout fait preuve d’unanimité, ce qui est rare en matière de politique étrangère. La Chine et la Russie ne la considèrent pas comme une puissance et elle a de la peine, en effet, à le démontrer. La réaction devant cet acte de piraterie prouve sa capacité à réagir. Elle est donc salutaire.

L’incident est aussi un acte de plus dans ce que beaucoup, à commencer par Joe Biden, annonce comme l’affrontement grandissant entre régimes autoritaires et démocraties. Deux manières de considérer le rôle de l’Etat et d’accorder ou non aux citoyens des droits fondamentaux, la liberté.

Un défi aux démocraties donc. C’est pourquoi la réponse à cet acte de piraterie est plus essentielle qu’on ne le croit.

André Crettenand