„Le touriste post-Covid veut le contact, pas l'exotisme à tout prix” — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Dans les Caraïbes, la République dominicaine, la Jamaïque et le Costa Rica affichent même une demande supérieure à celle d’avant la pandémie. « Cette année, on aura des reprises contrastées puisque tous les pays n’ouvrent pas de la même manière et ne laissent pas leur population voyager », commente Dominique Fumeaux, responsable de la filière Tourisme à la HES-SO Valais, invité de Géopolitis.

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Manque à gagner

La France était le pays le plus visité avant la pandémie. [Géopolitis – RTS].

La Chine, qui était la 4e destination mondiale avant la pandémie, est l’exemple le plus extrême. En raison de la stratégie zéro-Covid du gouvernement de Xi Jinping, difficile de sortir et de rentrer du pays. Jamais depuis Mao le pays n’avait été aussi fermé, et le manque à gagner pour le tourisme mondial considérable.

La clientèle chinoise est en effet la plus dépensière, avec 254,62 milliards de dollars (254,64 milliards de francs) déboursés à travers le monde en 2019. « Dès que le feu vert sera donné, on pense que la Chine va redémarrer à des niveaux proches de ce que l’on connaissait avant », estime néanmoins Dominique Fumeaux.

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Pour cet expert, plutôt optimiste sur la reprise en termes de fréquentation, ce qui va changer, c’est plutôt le cadre d’accueil, en raison des préoccupations liées à l’environnement et aux besoins des populations locales. « L’être humain post-Covid veut le contact réel, pas forcément l’exotisme à tout prix », relève-t-il.

La fin d’un modèle?

Après avoir tourné au ralenti pendant deux ans, le changement de paradigme n’est cependant pas aussi spectaculaire qu’imaginé pendant la pandémie. D’une part, pour certains pays comme les Maldives, dont la moitié du PIB dépend du tourisme, la reprise est surtout accueillie avec soulagement. D’autre part, de nouveaux problèmes sont apparus. En Europe et en Amérique du Nord, le secteur peine à recruter de la main-d’oeuvre.

Dominique Fumeaux, responsable filière Tourisme HES-SO Valais

Faut-il pour autant conclure que rien n’a changé, que l’on n’a rien appris de la pandémie? « Ce n’est pas le tourisme qui n’a pas appris, c’est nous qui n’avons pas appris », corrige Dominique Fumeaux avec un sourire. « C’est aux consommateurs, c’est à nous de nous interroger sur l’implication de nos activités pour la population locale, de trouver des solutions pour ne plus utiliser les moyens de transport qui polluent, si l’on n’en veut vraiment plus. Ou c’est à nous de trouver les moyens pour que ces outils soient moins polluants pour la planète et qu’on puisse avoir un tourisme plus durable », souligne-t-il.

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A certains endroits, la mobilisation a déjà commencé. A Marseille, par exemple, une vingtaine de militants ont bloqué le « Wonder of the Seas », le plus gros paquebot du monde, à son entrée dans le port le 14 juin pour protester contre la pollution qu’engendrent les bateaux de croisière dans la deuxième ville de France et qui dépasse aujourd’hui les émissions routières, selon l’organisme AtmoSud. De la même façon, à Barcelone ou Venise, on ne voit pas d’un très bon oeil le retour des foules, après s’être délecté du calme amené par le confinement en 2020.

Nouvelles expériences

Au-delà de la mobilisation, c’est parfois la restriction que choisissent les autorités pour protéger les sites naturels menacés. Ainsi, le Parc national des Calanques, dans le sud de la France, inaugure cet été un système de réservation pour limiter l’accès à ses criques emblématiques menacées par l’érosion à 400 personnes par jour. Plus au sud, la Corse a aussi sorti l’arme des quotas pour protéger ses joyaux.

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En 2020, les touristes internationaux étaient moins nombreux qu’en 1990. [Géopolitis – RTS].

Pour Dominique Fumeaux, restreindre l’accès est « une solution nécessaire à certains endroits ». Et la méthode a fait ses preuves dans des pays comme le Costa Rica où l’entrée de la plupart des parcs est limitée et payante depuis des années. En Thaïlande, une décision encore plus radicale a été prise en 2018 avec la fermeture de la célèbre plage de Maya Bay, connue pour le film The Beach avec Leonardo Di Caprio.

Trois ans plus tard, les requins étaient de retour dans les récifs coralliens qui avaient repoussé et l’eau avait retrouvé sa clarté. Face à ce succès, l’Autorité du tourisme a décidé de rouvrir le site, mais deux mesures de protection ont été prises: le nombre maximum de personnes est fixé à 375 par jour et la baignade reste interdite.

Ce sont autant de manière de faire face à la croissance vertigineuse du tourisme international, passé de 25 millions de personnes en 1950 à 1,4 milliard en 2019. « Ethiquement et philosophiquement, chacun a droit à une part de loisirs, à une part d’activité, et d’un autre côté la planète ne peut supporter une suractivité de l’être humain, une surconsommation de ses ressources », résume Dominique Fumeaux. Reste un équilibre à trouver.

Juliette Galeazzi