Le point G de la géopolitique

5 novembre 2021

Être présent. Être sur la photo. Cela n’a l’air de rien, mais après la série de visioconférences où les chefs d’États et de gouvernements n’avaient pas le plaisir de se toucher, de tenir des apartés, de se faire des promesses droit dans les yeux, la rencontre du G20 de Rome était un événement en soi.

Les points G, qu’ils soient à 7, à 8, à 20 ou à plus, ne semblent pas toujours jouissifs à première vue. Mais le G est un concentré de géopolitique où le moindre effleurement, la plus simple caresse, disent beaucoup du monde et de ses soubresauts. On y lit les alliances, les défiances, les tensions nouvelles, les rabibochages en cours. En diplomatie aussi, la proximité compte.

Keystone

Devant la fontaine de Trevi, Angela Merkel, Mario Draghi, Emmanuel Macron et Boris Johnson.

Ainsi Rome. D’abord les absents. Dans un sommet qui se veut le retour à la présence, être absent vaut tous les signes. Vladimir Poutine boude, car on méprise son vaccin Spoutnik et parce qu’il est comme ça. Xi Jinping, lui, joue à l’important, qui serait occupé à plus urgent. Ils ont lancé leur valda à distance, à l’abri de leur écran, comme on lancerait des missiles. Les mots avant les fusées ?

Les présents, eux, en ont profité vraiment. Macron pour renouer avec Biden après l’affront des sous-marins australiens et le contrat du siècle qui lui est passé sous le nez. Mais l’amitié retrouvée n’est pas le seul enjeu. Pour la France, il s’agit de sauvegarder son rôle dans l’Indo-Pacifique, nouvel espace d’expression des puissants. Et de s’assurer du support technologique américain dans le Sahel.

Macron et Johnson ont parlé pour éviter une nouvelle armada de pêcheurs et une bataille navale sur La Manche. Macron a invité ses protégés africains, dans un sommet « off », histoire de montrer ce qui fait que la France reste une puissance. Biden a rencontré Merkel et les Européens. Et il y eut d’autres rendez-vous encore. Devant la fontaine de Trevi, on en a vu plusieurs se faire des confidences.

Bolsonaro, accusé de crimes contre l’humanité dans son pays et que personne ne salue, sauf Erdogan, est allé se faire désigner citoyen d’honneur dans le village italien de ses ancêtres. Premier dans son village, plutôt que second à Rome.

Le point G vaut moins par ses résultats immédiats que par l’effort d’y arriver. Il faut malgré tout noter une avancée décisive dans cette grande messe diplomatique : l’accord sur la fiscalité des multinationales. A la suite de l’OCDE, les pays riches ont donné leur feu vert. Et c’est celui-là qui compte. Les GAFA sont les premières visées. Elles seront imposées là où ils font leur profit.

La grande affaire, c’est l’urgence climatique. Le sommet était une générale avant Glasgow, où les mêmes se retrouvaient, accompagnés d’une centaine d’autres. Mais la générale a déçu. Et là aussi, on pouvait savoir à l’avance ce qui allait se décider, ou pas, quelques jours plus tard à la COP26. Peu ou pas d’objectifs précis. La neutralité carbone est annoncée pour le « milieu » du siècle. Mais en histoire, la datation ne dépend pas nécessairement du calendrier grégorien.

Un signe d’espoir pour Genève

Le retour du présentiel marque une étape importante dans la vie diplomatique. Genève, sevrée de rencontres, malgré le spectaculaire Biden-Poutine du printemps, peut reprendre espoir. Même si le niveau des réunions ne reviendra pas de sitôt au niveau d’avant-crise, elle aura noté avec délice que la poignée de mains vaut tous les coups de fil. Macron et Biden s’étaient déjà parlé au téléphone, deux fois, mais c’est le face-à-face romain qui a scellé la réconciliation.

A Rome, la photo de famille marquait le retour au présentiel. Les participants se sont prêtés au jeu, ils souriaient donc, sur ordre du photographe. Mais pas seulement. Un plaisir certain de la rencontre aussi.

André Crettenand

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