Le général émirati Al-Raisi élu président d'Interpol, malgré des accusations de torture — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Mr Ahmed Nasser AL RAISI of the United Arab Emirates has been elected to the post of President (4-yr term). pic.twitter.com/pJVGfJ4iqi

— INTERPOL (@INTERPOL_HQ) November 25, 2021

Le rôle de Ahmed Nasser Al-Raisi, élu au troisième tour du vote des Etats membres avec une majorité des deux tiers (68,9%), sera essentiellement honorifique, selon les statuts d’Interpol. Ceux-ci font du Secrétaire général Jürgen Stock le vrai patron de l’organisation.

De fait, le président d’Interpol occupe ses fonctions à temps partiel et de façon bénévole. Il conserve ses fonctions dans son pays d’origine.

Indignation

Pour autant, la candidature du général émirati, dont le pays est devenu le deuxième contributeur au budget d’Interpol, avait suscité l’indignation d’ONG et d’élus européens.

« Nous sommes profondément convaincus que l’élection du général Al-Raisi (…) affecterait lourdement la capacité de l’organisation à s’acquitter efficacement de sa mission », écrivaient mi-novembre, à la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen, trois députés européens dont la présidente de la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen.

Avec mes collègues @HeidiHautala et @FMCastaldo nous avons exprimé notre inquiétude à la @EU_Commission concernant la proposition comme candidat d’Ahmed Nasser Al Raisi, associée à des graves violations des droits humains, à la présidence d’@Interpol ‼️ https://t.co/vi3ubwOKzE

— Marie Arena (@Mariearenaps) November 17, 2021

« Actes de barbarie »

En octobre 2020, dix-neuf ONG, dont Human Rights Watch (HRW), s’inquiétaient déjà du choix possible du général émirati, « membre d’un appareil sécuritaire qui prend systématiquement pour cible l’opposition pacifique ».

En parallèle, plusieurs plaintes pour « torture » contre Ahmed Nasser Al-Raisi, qui a rejoint les rangs de la police de son pays en 1980, ont été déposées ces derniers mois en France (lire encadré), où siège l’organisation, et en Turquie, pays hôte de l’Assemblée générale.

L’ONG Gulf Centre for Human rights accuse dans l’une de ces plaintes le général émirati d’ »actes de torture et de barbarie » contre l’opposant Ahmed Mansoor, détenu depuis 2017 dans une cellule de 4 m2 « sans matelas ni protection contre le froid », ni « accès à un médecin, à l’hygiène, à l’eau ». Ces procédures n’ont pas abouti jusqu’ici.

Un rapport britannique publié en mars a en effet conclu que les Emirats arabes unis ont détourné le système des notices rouges – les avis de recherche internationaux – pour faire pression sur des opposants. D’autres pays sont accusés d’en faire de même.

En fonction, le général Al-Raisi sera « susceptible de travailler avec des gouvernements aux vues similaires [aux siennes] pour contrecarrer les réformes allant vers une plus grande transparence d’Interpol », estime Edward Lemon.

Don de 52 millions de francs

Dans une référence à peine voilée à Ahmed Nasser Al-Raisi, la Tchèque Sarka Havrankova – seule autre candidate pour la présidence d’Interpol – avait appelé jeudi matin l’Assemblée générale à « envoyer un message clair à nos sociétés, qu’Interpol est une institution digne de confiance (…) Montrons au monde qu’Interpol n’est pas à vendre ! », selon le texte de son discours.

Les Emirats arabes unis ont fait un don de 50 millions d’euros (52 millions de francs) à Interpol en 2017 – une somme presque équivalente aux contributions des 195 pays membres (63 millions de francs en 2020).

« La campagne organisée de diffamation a été écrasée sur le rocher de la vérité », s’est félicité jeudi le conseiller du président émirati et ancien chef de la diplomatie émiratie.

« Triste jour pour les droits de l’Homme », a réagi sur Twitter Hiba Zayadin, chercheuse sur le Golfe à Human Rights Watch, déplorant l’élection du « représentant du gouvernement sans doute le plus autoritaire du Golfe » à la présidence d’Interpol.

A sad day for human rights and the rule of law worldwide, when a representative of arguably the most authoritarian government in the Gulf, one that equates peaceful dissent with terrorism, is elected to head the only police organization that spans the entire globe. https://t.co/AXytBN14QV

— Hiba Zayadin (@HZayadin) November 25, 2021

agences/vajo

Deux plaintes classées en France

Deux plaintes pour « tortures » déposées ces derniers mois contre Ahmed Nasser Al-Raisi ont été classées par le parquet antiterroriste (Pnat) pour absence de compétence, a appris l’AFP jeudi de source judiciaire. Mais de nouvelles actions seront entreprises dès que le responsable sera en fonction à Lyon.

La première plainte, déposée le 7 juin par l’ONG Gulf Centre for Human rights (GCHR) pour « tortures et actes de barbarie », présentait l’opposant Ahmed Mansoor comme détenu à Abou Dhabi « dans des conditions moyenâgeuses constitutives d’actes de tortures ».

La seconde a été déposée début octobre par Rodney Dixon, l’avocat de deux plaignants britanniques, Matthew Hedges et Ali Issa Ahmad, qui ont rapporté en octobre à Lyon des faits de détention arbitraire ou de torture en 2018 et 2019. L’avocat du GCHR, a indiqué que ce classement pour défaut de compétence s’expliquait par une modification législative de 2010.