Le conservateur Santiago Peña élu président du Paraguay — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Sourire affable, traits juvéniles que trahissent à peine une touche de gris aux tempes, Santiago Peña se décrit comme un homme d’écoute et de responsabilités, et cite souvent sa jeune paternité, à 17 ans, comme un facteur déterminant de sa vie, qui le poussa à étudier dur, travailler tôt, et « vouloir servir ».

« Ce fut un moment vraiment difficile (…) qui m’a aidé à apprécier les valeurs que j’avais reçues. Lire, écrire, l’histoire, les maths, on apprend à l’école. Mais les valeurs, on les apprend à la maison », expliquait-il cette semaine à l’AFP.

Formation en économie

Jonglant avec son épouse entre université et gardes, Santiago Peña suivit une formation d’économiste à Asuncion, puis en administration publique à Columbia (New York) via une bourse. A 22 ans, il entrait à la Banque centrale du Paraguay, à 31 ans au Fonds monétaire international à Washington, puis de nouveau à 34 ans au directoire de la Banque centrale.

Bien que longtemps affilié au Parti libéral (centre-gauche), Santiago Peña fut ministre des Finances (2015-2017) dans le gouvernement d’Horacio Cartes, du rival Colorado, avant de s’encarter en 2016. Par pur carriérisme, selon ses détracteurs.

C’est d’ailleurs activement soutenu par Horacio Cartes que Santiago Peña a cette fois remporté les primaires du Colorado, après son échec en 2018. Ce qui lui vaut par ses rivaux le quolibet de « marionnette », ou « chili » (serviteur, en guarani) du richissime ex-président. Lui n’en a cure: « c’est quelqu’un de très serein, son calme est impressionnant », commente un collaborateur.

Tentative de distanciation des accusations

Au long de la campagne, il a tenté de se distancier de l’opprobre internationale sur Horacio Cartes, que Washington a taxé de « significativement corrompu » en 2022 et frappé d’interdictions d’entrée ou de transactions aux Etats-Unis.

Des accusations « qui ont fait beaucoup de bruit », admet Santiago Peña, mais « récusées clairement » par Horacio Cartes qui « se défend avec ses avocats ». Il assure que cela n’affectera pas la relation « très profonde » avec les Etats-Unis, traditionnel allié du Paraguay.

Horacio Cartes à ses côtés

Dimanche soir en proclamant sa victoire, il s’est affiché aux côtés de Horacio Cartes et l’a remercié pour cette « grande victoire pour le Colorado, grande victoire pour le Paraguay ».

Les inégalités, tenaces, et la pauvreté (24,7%) seront sur le plan intérieur un défi majeur du jeune président, dans un Paraguay à la santé économique enviable (4,5% de croissance prévus en 2023). De fait il a axé sa campagne sur l’emploi – il promet 500’000 créations – et un meilleur accès à la santé publique, sinistrée.

Sur le plan sociétal, il dit épouser les valeurs traditionnelles et chrétiennes de la famille, une « base », dans « un monde de convulsions et déshumanisé ». Et pour ces raisons, il s’oppose au mariage pour tous et à l’avortement.

« Jeune démocratie »

Pour lui, le Paraguay est encore une « jeune démocratie dont il faut prendre soin ». Et il a porté un regard ambivalent sur la dictature d’Alfredo Stroessner (1954-1989), à « l’immense passif de droits humains » mais qui permit de rompre avec « un demi-siècle d’instabilité et de développer des institutions ».

La victoire et la domination du Colorado ne lui apporteront pas pour autant un confort de gouvernement, estiment les analystes. Les primaires très amères ont laissé des traces, « et la pire opposition il va la trouver au sein du Colorado, pas en dehors », prédit à l’AFP Sébastian Acha, politologue de l’université de Columbia à Asuncion.

Sur le plan extérieur, s’il n’entend pas remettre en cause les relations d’Asuncion avec Taipei (le Paraguay est un des 13 Etats au monde qui reconnaît Taiwan), il a par contre affirmé qu’il transférerait l’ambassade paraguayenne en Israël de Tel Aviv à Jérusalem. Le président Cartes l’avait déjà fait en 2018, avant que son successeur ne revienne sur le transfert quelques mois plus tard.

afp/ami