Le Conseil constitutionnel français valide l'essentiel de la réforme des retraites — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Les membres du Conseil ont censuré un certain nombre d’aspects secondaires de la réforme mais n’ont pas retoqué sa principale mesure qui repousse de 62 à 64 ans l’âge légal de la retraite, selon un communiqué du Conseil.

Le Conseil constitutionnel rejette par ailleurs six dispositions, dont « l’index seniors ». Les Sages ont dans le même temps rejeté une demande d’un référendum d’initiative partagée (RIP) déposée par la gauche. Une seconde demande, déposée ultérieurement, doit cependant faire l’objet d’une nouvelle décision le 3 mai.

Le président @EmmanuelMacron peut, dès à présent, promulguer la loi sur la réforme des retraites. La presse 🇫🇷 évoque une promulgation rapide… sous 48H. #ReformeDesRetraites

— Raphaël Grand (@raphaelgrand) April 14, 2023

L’institution de la rue de Montpensier a en revanche sans grande surprise censuré plusieurs « cavaliers sociaux » qui « n’avaient pas leur place dans la loi déférée » qui est de nature financière.

Parmi ceux-ci: l’index sur l’emploi des seniors, qui devait être obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1000 salariés, et dont la non-publication devait être passible de sanctions financières.

Egalement censuré, le CDI seniors, un ajout des sénateurs de droite, qui devait faciliter l’embauche des demandeurs d’emploi de longue durée de plus de 60 ans.

Le « caractère inhabituel » des procédures

L’institution présidée par l’ex-Premier ministre socialiste Laurent Fabius n’a pas suivi les parlementaires de gauche ou du Rassemblement national, qui avaient plaidé un détournement de procédure parlementaire pour faire adopter la loi.

Un choix qui « ne méconnaît, en lui-même, aucune exigence constitutionnelle », selon le Conseil, qui évoque cependant le « caractère inhabituel » de l’accumulation de procédures visant à restreindre les débats.

Voir l’interview de la constitutionnaliste  Anne-Charlène Bezzina dans Forum

Pas de référendum d’initiative partagée

Le Conseil a par ailleurs rejeté le projet de référendum d’initiative partagée portée par la gauche (RIP), qui espérait un feu vert pour entamer la collecte de 4,8 millions de signatures en vue d’une hypothétique et inédite consultation des Français pour contrecarrer le projet du gouvernement.

Les parlementaires de gauche ont déposé jeudi un deuxième texte, sur lequel le Conseil constitutionnel statuera le 3 mai.

L’appel de l’intersyndicale

« Ce soir, il n’y a ni vainqueur, ni vaincu », a tweeté la Première ministre Elisabeth Borne. Selon elle, il s’agit de « fin » du « processus démocratique ».

#Retraites | Le @Conseil_constit a jugé, tant sur le fond que sur la procédure, la réforme conforme à notre Constitution.

Le texte arrive à la fin de son processus démocratique.

Ce soir, il n’y a ni vainqueur, ni vaincu.

— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) April 14, 2023

L’intersyndicale « demande solennellement » au président de la République de « ne pas promulguer la loi ».

Appelant les salariés à faire du 1er mai « une journée de mobilisation exceptionnelle et populaire contre la réforme des retraites et pour la justice sociale », elle « décide (d’ici là) de ne pas accepter de réunions avec l’exécutif », fait-elle savoir dans un communiqué (lire aussi les réactions des partis en encadré).

Débordements redoutés
A Paris, un rassemblement a débuté sur le parvis de l’Hôtel de Ville à l’appel de plusieurs syndicats dont la CGT et FO. Plusieurs centaines de jeunes manifestaient par ailleurs dans la capitale.

La police redoute des débordements. Des blocages se sont poursuivis vendredi: perturbation de la circulation autour de Rouen, blocage d’une plateforme alimentaire dans la banlieue de Strasbourg, opération « péage gratuit » par 150 à 200 manifestants en Gironde…

Retranché derrière des barrières anti-émeutes, le Conseil constitutionnel lui-même était sous bonne garde. Toute manifestation aux abords de son siège, dans une aile du Palais Royal, avait été interdite depuis jeudi 18h00.

Un conseil constitutionnel sous bonne garde… #Paris pic.twitter.com/TFmx1jnc59

— Raphaël Grand (@raphaelgrand) April 14, 2023

afp/vkiss/vajo

L’invitation d’Emmanuel Macron aux syndicats

Emmanuel Macron n’a pas attendu la décision du Conseil constitutionnel pour tenter d’enclencher la suite et faire savoir qu’il avait convié les syndicats à l’Elysée pour un dialogue « sans préalable ».

Mais jeudi, lors de la 12e journée de mobilisation, les destinataires ne semblaient guère disposés à déférer à l’agenda présidentiel et plutôt tournés vers leur rendez-vous traditionnel du 1er mai.

Relire: Mobilisation sociale en baisse en France avant l’avis du Conseil constitutionnel sur les retraites

« Il y a une décence à avoir, les gens ne vont pas passer à autre chose comme ça », jugeait le patron de la CFDT Laurent Berger.

« On va d’abord lui laisser les 15 jours de réflexion », a abondé son homologue de FO Frédéric Souillot, qui appelait Emmanuel Macron à ordonner une nouvelle délibération au Parlement et à « ne pas appliquer la loi ».

L’opposition déterminée à poursuivre le combat contre la réforme

Les principaux partis français d’opposition sont déterminés à poursuivre leur combat contre le projet de réforme des retraites qui vient d’être validé par le Conseil constitutionnel.

« La lutte continue », a réagi le chef de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, tandis que la patronne du Rassemblement national Marine Le Pen a estimé que « le sort politique de la réforme des retraites n’est pas scellé », après cette décision du Conseil prise au terme de mois de manifestations et bataille politique contre ce projet phare du second quinquennat d’Emmanuel Macron.

La décision du Conseil constitutionnel montre qu’il est plus attentif aux besoins de la monarchie présidentielle qu’à ceux du peuple souverain. La lutte continue et doit rassembler ses forces.

— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) April 14, 2023

Si la décision du Conseil constitutionnel clôt la séquence institutionnelle, le sort politique de la réforme des retraites n’est pas scellé. Le peuple ayant toujours le dernier mot, il lui appartiendra de préparer l’alternance qui reviendra sur cette réforme inutile et injuste.

— Marine Le Pen (@MLP_officiel) April 14, 2023

Le chef du parti communiste Fabien Roussel a appelé l’exécutif à « ne pas promulguer » cette loi désormais validée par le Conseil constitutionnel. « Je crains l’éruption sociale, je crains aujourd’hui le débordement », a-t-il mis en garde, alors que certaines manifestations contre le projet ont été marquées par des violences et des incendies volontaires.

🗣 « Si le Conseil constitutionnel ne valide que le pire de ce qu’il y a dans cette réforme, ça veut dire que c’est la pire des réformes. C’est la responsabilité du gouvernement de ne pas la promulguer » fustige Fabien Roussel, le Secrétaire national du PCF. pic.twitter.com/YqSWeIDVQ3

— franceinfo (@franceinfo) April 14, 2023

« S’il promulgue, le président ne pourra plus gouverner le pays », a déclaré une responsable du parti de la gauche radicale LFI Mathilde Panot.

« La mobilisation continue plus que jamais et nous ne laisserons pas cette réforme continuer son chemin », a-t-elle dit, alors que les manifestations, qui ont rassemblé des centaines de milliers de personnes depuis janvier, marquaient le pas avec de moins en moins de participants ces derniers temps.

En revanche, le chef de la droite traditionnelle Eric Ciotti a appelé « toutes les forces politiques » à « accepter » la décision, tout en estimant que « la censure de certains articles sanctionne les erreurs de méthode du gouvernement ».

🔴 DIRECT🗣 »Cette décision s’impose à tous les Républicains, elle doit être naturellement respectée. Cependant, il reste une crise sociale, politique que le président de la République doit entendre en convoquant une grande conférence sociale » juge le président des LR, Éric Ciotti pic.twitter.com/uwG0u1mn0t

— franceinfo (@franceinfo) April 14, 2023