Le film des tours qui s’effondrent reste gravé dans nos mémoires comme l’une des images les plus saisissantes de ces dernières décennies. Et pas seulement parce qu’elle revêtait une intensité dramatique, perturbante, irréelle, mais parce que cet attentat-là devait perturber nos vies pour longtemps.
C’est que le terrorisme s’est installé au cœur de notre quotidien. La sécurité à tout instant, le contrôle permanent, le traçage, le palpage, les caméras, les portiques, le pouvoir accru des agences de renseignements, tout cela date de ce 11 septembre 2001, hâtant la réalisation improbable de la prophétie orwellienne.
NY 9/11 des avions percutent les célèbres tours jumelles du World Trade Center.
Le 21e siècle est né ce jour-là. Le 9/11, comme l’ont appelé les Américains, fut la découverte douloureuse de la vulnérabilité. La date symbole qui annonce les malheurs à venir, les désillusions aussi. D’autres attentats ont suivi témoignant de la malignité de cette armée des faibles capable de blesser des Etats puissants. Et si les bandes organisées ont laissé la place aux loups solitaires, il n’en demeure pas moins que nous vivons, sinon dans la peur, dans une sorte d’intranquillité permanente. Le politologue Cyrille Bret pense même que nous sommes entrés dans l’ère de la terreur. Ce qui est sans doute excessif, mais qui témoigne de ce que les attentats ont généré dans l’imaginaire collectif. Le 9/11 fut vécu en direct par tous et ressenti personnellement par chacun. Nous faisions partie de ce monde blessé.
Les terroristes ont porté un coup terrible. A tel point que l’on peut se demander si ce n’est pas le « mal absolu » en tant que tel qui a triomphé, engageant une spirale infernale. A la guerre a répondu la guerre. Avec son lot de violences et d’échecs, dont le plus récent, en Afghanistan. La réponse, brouillée par l’émotion, s’est révélée somme toute inopérante. Les missiles et les drones tuent mais ne triomphent pas. On expérimente depuis 20 ans la guerre asymétrique, mais on n’en a pas encore tiré toutes les leçons. La lutte contre le terrorisme est loin d’être terminée, car elle se nourrit d’une idéologie délétère qui subsiste et progresse, dans le Sahel par exemple.
Le 11 septembre a-t-il changé le monde ? 20 ans après, les observateurs s’interrogent, et hésitent. Pascal Boniface ne le croit pas. Observant avec attention les grands équilibres géostratégiques, il les voit bouger sur des temps longs et non basculer par l’effet d’un événement, si dramatique soit-il.
Je pense malgré tout que notre perception du monde a changé, que le drame a imprimé durablement dans nos têtes l’idée, longtemps repoussée, que nous avions des ennemis acharnés et haineux, prêts à tout, hostiles à nos valeurs. Que nous sommes entrés dans l’ère de l’incertitude plus que de la terreur. Que le drame a aussi contribué à rebattre les cartes de la géopolitique mondiale. Avec des régimes en embuscade, comme la Russie et la Chine, compliquant les choses et mettant plus à mal encore les valeurs de la démocratie.
La démocratie a souvent été brandie comme la raison d’aller porter le fer sur d’autres continents. Ce fut un habillage trompeur. Et cela ne change pas le fait qu’il faut réaffirmer plus que jamais notre attachement aux valeurs fondamentales : la liberté, les droits humains, le bien. Une autre réponse au mal.