L'ami qui vous veut du bien — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Nous avions rompu les négociations avec la grande Europe, nous recevions la réponse par retour de courrier. Un mot patelin, mielleux, mais cruel, et menaçant à la fois. Pour nous europhiles, fâchés de voir le processus interrompu et nos relations avec l’Union se dégrader, le premier réflexe fut de se dire « bien fait pour notre figure ! », (en mode soft) suivant notre goût particulier pour la modestie et l’auto-flagellation.

Double peine quelques jours plus tard quand la Commission européenne nous exclut du programme de recherches Horizon alors que deux dizaines de pays non-membres sont généreusement invités à participer, à commencer par le Royaume-Uni, un partenaire autrement perturbateur. Mais pas la Suisse. Si elle fait amende honorable, si elle émarge au fonds de solidarité, si elle paie, alors elle aura une chance d’y être tolérée, mais ce ne sera pas de bon cœur. Nouveau réflexe : « On vous l’avait bien dit ! ».

Nous sommes punis. Faut-il de plus nous faire la leçon ?

Les scientifiques œuvrent par-delà les frontières, les conflits et les idéologies. Punir les chercheurs suisses parce que nous avons un problème institutionnel avec l’Union européenne n’a pas de logique, ni de sens, sauf appuyer là où ça fait mal bien sûr. Et certains, en Europe, veulent faire mal.

Dans une négociation qui échoue, les torts sont partagés. Pas de raison que le Conseil fédéral soit seul en cause. Les Suisses n’étaient pas prêts à accepter cet accord-là et il faut reconnaître au Conseil fédéral d’avoir bien perçu l’opinion.

Nous ne méritons pas ce traitement et nous n’avons pas à l’accepter. La Suisse est un partenaire économique important de l’Union européenne, un allié fiable. Nous partageons avec elle des valeurs. Ensuite, l’Europe est diverse et la prise de position d’un ambassadeur, même relue à Bruxelles, n’a pas vocation à refléter la politique étrangère de l’Union. Qu’il soit fâché et prompt à nous faire la leçon ne nous dit pas tout de l’état d’esprit des 27. L’Europe n’est pas ce monstre vengeur que l’on s’ingénie à nous dessiner.

Ni plainte ni mea culpa

Certains d’entre eux regrettent déjà que la Suisse soit ainsi maltraitée. Le chancelier autrichien Sebastian Kurz refuse que l’Europe « se venge », dit-il. Il se méfie de toute réaction émotionnelle, et il voudrait éviter toute « spirale négative ».

Je m’étonne de ma réaction épidermique à la lecture de la tribune, comme si j’étais touché outre mesure, ou animé par quelque sentiment nationaliste étroit. Mais ce n’est pas le cas. Je crois au travail de nos négociateurs à même de trouver des solutions comme ils l’ont toujours fait par le passé. Nos relations avec l’Europe n’exigent aucune plainte ni aucun mea culpa.

Je plaide pour le retour au bon sens, et je demande à celles et ceux qui font profession de diplomatie de se concentrer sur l’essence du métier, à savoir rapprocher les peuples, non les diviser.

André Crettenand