L'Amérique vote, le monde libre attend — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Mais les élections de 2022 laissent entrevoir d’autres enjeux.

D’abord, les élections signent-elles la première étape d’un retour triomphant de Donald Trump ? L’ombre portée de l’apprenti putschiste sur la campagne en cours signifie-t-elle qu’il a toutes ses chances pour 2024 ? Nous avons encore en tête les images horribles du Capitole, les atermoiements de Trump, ses ambiguïtés, ses espérances malsaines. Mais les faits, à nouveau crûment mis en lumière par la Commission d’enquête parlementaire, semblent couler sur lui comme sur les ailes d’un canard, pas boiteux du tout.

435 sièges de la Chambre des représentants seront renouvelés, ainsi qu’un tiers des 100 sièges du Sénat. Et il y aura des législatives locales et des élections de gouverneurs dans beaucoup d’États. Trump n’est pas candidat mais il soutient toute une série de personnages qui ont accepté de dire l’ineffable, à savoir qu’il n’a pas perdu, et que la victoire de Joe Biden est le résultat d’une fraude colossale. Peu importe que les convertis de la dernière heure y croient ou pas, et l’on peut penser qu’ils n’y croient pas vraiment, mais en faisant ainsi allégeance au leader déchu, ils s’attirent les bonnes grâces des plus conservateurs. Ce n’est pas Trump le problème, c’est son électorat.

Les analystes les plus fins de la vie américaine notent que Trump n’a pas gagné partout dans les différentes primaires. Ou qu’il a abandonné en cours de campagne un candidat en difficulté, ou qu’il en a soutenu un autre, tout prêt de triompher. Volte-face agiles et cyniques, mais peu importe, l’important, c’est de faire croire.

Le complotisme et les fake news sont-ils donc toujours aussi prescripteurs ? Portent-ils toujours autant l’époque ? Faut-il désespérer de la raison ? La campagne témoigne d’une société fracturée et d’une incroyable violence dont l’agression au marteau envers le mari de Nancy Pelosi est le signe le plus récent.

Et il y a des signes contraires aussi. Brad Raffensperger, le secrétaire d’État de Géorgie, est le fonctionnaire que Trump avait appelé, désespéré, et à qui il avait demandé de dénicher subrepticement 11’000 voix de plus, ce qui aurait permis de faire basculer l’État en sa faveur. Le président l’avait menacé de lui envoyer le FBI. Le prévoyant administrateur, républicain comme Trump, mais honnête, avait enregistré la conversation, et refusé. Eh bien, cet ennemi N° 1 de Trump a gagné à nouveau la primaire en Géorgie pour l’élection au poste de secrétaire général de l’État.

L’autre enjeu, c’est l’Ukraine. Jusqu’ici conservateurs et démocrates ont fait cause commune, partageant la même ambition de venir en aide massivement à l’Ukraine, acceptant de voter des budgets considérables, estimant qu’il y avait là, même très loin de leurs frontières, un enjeu pour le monde libre, et que l’Amérique avait encore un rôle à y jouer.

Mais chez les conservateurs, on note désormais des hésitations, des failles. Si le ralentissement redouté de l’économie devait se préciser, il se pourrait bien qu’une éventuelle majorité conservatrice choisisse le « America First » cher à l’ex-président. Et que la guerre en Ukraine ne lui paraisse plus essentielle, ni digne d’intérêt.

Le président Zelensky ne cesse de répéter que la guerre qu’il mène contre l’envahisseur russe est la guerre de tout l’Occident pour la liberté et la démocratie. Joe Biden l’a compris ainsi. Les nouvelles majorités au Congrès penseront-elles de même ? Le monde libre attend.

André Crettenand