La Suisse préside dès lundi le Conseil de sécurité de l'ONU, un „moment historique” — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Berne a décidé de placer cette présidence sous la thématique de la protection des civils. Un « moment historique », selon l’ambassadrice suisse à l’ONU à New York Pascale Baeriswyl, qui devra manier le marteau le plus régulièrement pendant un mois.

En tant que membre non permanent au sein de l’organe des Nations unies qui traite des questions de guerre et de paix, la Suisse a trouvé depuis janvier sa place et son utilité sur des dossiers très concrets: « La Suisse a pu maintenir ouvert le passage pour l’aide humanitaire vers la Syrie, dont dépendent 4 millions de personnes. Aussi, en janvier, avec le Ghana, elle a réussi à prolonger de trois ans le mandat du bureau de prévention dans le Sahel, qui aide à préparer des élections », a énuméré la diplomate dimanche dans le 19h30 de la RTS.

A relire: Pascale Baeriswyl: « La neutralité suisse n’est pas au centre de l’attention de la communauté internationale »

Une mission pilotée depuis Berne
La mission suisse s’apprête à franchir une nouvelle étape, avec la présidence du Conseil de sécurité. Ce temps fort est préparé depuis des mois à Berne par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

L’équipe de Thomas Gürber, chef de division pour l’ONU au DFAE, écrit chaque mot prononcé à New York par l’ambassadrice. Selon lui, la présidence permettra à la Suisse d’imposer certains thèmes prioritaires: « C’est une occasion de souligner l’importance de la protection des civils à un moment où le droit international humanitaire est sous pression. Et de peut-être changer le comportement de certains acteurs internationaux. »

Dans les bureaux de la mission suisse à New York, rien n’est laissé au hasard par Pascale Baeriswyl, qui suit les instructions de Berne: « Nous travaillons toujours sur instruction ici. Mais nous avons l’avantage du décalage horaire. Parce qu’on peut travailler jusqu’à tard dans la nuit et eux ont ensuite six heures pour préparer la décision », explique-t-elle.

Trois conseillers fédéraux à New York

Durant cette présidence, pas moins de trois membres du Conseil fédéral se rendront à New York dans les prochaines semaines. Dès mercredi, Ignazio Cassis présidera un débat de haut niveau sur les efforts pour une paix durable, en lien avec le nouvel Agenda pour la paix que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres doit présenter. Berne souhaite que la prévention des violences ou la diplomatie scientifique soient notamment abordées.

Trois semaines plus tard, le président de la Confédération Alain Berset dirigera une discussion sur la protection des civils. Sa collègue Viola Amherd participera elle à deux réunions, dont une sur les 75 ans de la première mission de maintien de la paix de l’ONU, celle au Proche-Orient (ONUST) actuellement dirigée par le divisionnaire Patrick Gauchat.

La seconde doit faire le suivi sur la collaboration entre les Nations unies et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Deux institutions souvent accusées de ne pas en faire suffisamment pour tenter de régler la crise ukrainienne.

Tensions après la présidence russe

Pour Berne, la tâche ne sera pas aisée dans le climat actuel de tensions internationales. La présidence russe du Conseil a été accusée de « désinformation », y compris par la Suisse, dans le cadre de discussions où la guerre en Ukraine était abordée. Si certains pays ont quitté la salle au moment où une responsable russe sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale s’exprimait à distance, Berne a préféré, comme toujours, rester. Mais sans être représentée par Pascale Baeriswyl.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov s’est ensuite attiré il y a quelques jours la réprobation de Kiev au moment de présider une discussion sur le multilatéralisme. Moscou n’en démord pas sur son analyse d’une « large crise » onusienne, organisation qu’elle accuse d’être politisée par les Occidentaux.

La Suisse affirme ne pas avoir pour mandat d’apaiser le Conseil, mais elle assume vouloir oeuvrer à un organe plus efficient. Questionnée à ce sujet la semaine dernière dans La Matinale, Pascale Baeriswyl expliquait vouloir avoir une relation empreinte de respect avec les représentants russes. « Je crois qu’il faut faire la différence entre les personnes et les positions nationales. En ce qui concerne la relation avec les personnes, il est important de vraiment maintenir le dialogue, d’avoir une relation respectueuse, ce que j’essaie de faire. Je ne dirais pas qu’on a une relation chaleureuse, mais respectueuse, oui », détaillait-elle.

Revoir l’interview de Pascale Baeriswyl dans La Matinale

Les dossiers sur la table

Pendant un mois, la présidence devra surtout s’adapter à l’arrivée de crises imprévues. La plus récente en date est la situation au Soudan, qui inquiète la communauté internationale. Plusieurs autres dossiers devront être résolus sur la scène internationale.

Le président syrien Bachar al-Assad doit affirmer s’il prolonge ou non l’utilisation des deux points de passage supplémentaires pour l’assistance humanitaire depuis la Turquie après le séisme de février. La Suisse, en charge de cette question au Conseil avec le Brésil, est prête à oeuvrer s’il le faut mais préfère que l’ONU et la Syrie règlent le problème.

Membre non permanente du Conseil pour deux ans depuis janvier dernier, la Suisse s’est longuement préparée à cette présidence. Ces derniers mois, les équipes ont été renforcées à Berne, à New York et à Genève. Et ces dernières semaines, Berne a multiplié les explications sur son approche auprès de différents acteurs. Une seconde présidence du Conseil de sécurité est prévue en octobre 2024.

Sujet TV: Gaspard Kühn

Texte web: Feriel Mestiri avec ats