La situation en Biélorussie s'aggrave encore, selon la rapporteuse de l'ONU — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Depuis la réélection du président, en août, et la vague de répression qui a suivi, la situation s’est aggravée, a estimé Anaïs Marin, interrogée mardi dans Forum. « Les informations que nous recevons sont extrêmement préoccupantes: depuis le mois d’août, plus de 35’000 personnes ont été détenues alors qu’elles participaient à des manifestations pacifiques. »

De plus en plus, on observe une tendance à criminaliser les personnes qui exercent leurs droits à la liberté d’expression ou de manifestations pacifiques, poursuit la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits humains en Biélorussie. « Autrefois, elles étaient ‘juste’ frappées d’amendes pour avoir violé les régles administratives sur la participation à des manifestations. Mais de plus en plus, maintenant, on vient les ‘coffrer’ des mois après pour ajouter des peines au pénal, qui peuvent aller jusqu’à la prison. »

« Persona non grata »

Il est toutefois difficile de se rendre compte de la situation sur place, car Anaïs Marin est elle-même « persona non grata » dans le pays depuis qu’elle a été nommée rapporteuse spéciale de l’ONU en novembre 2018. Le gouvernement ne reconnaît pas son mandat et refuse de coopérer, et elle ne s’est donc plus rendue dans le pays.

Et la diplomate de préciser: « Avec les derniers développements, je me garderais bien d’aller en Biélorussie. Je ne pense pas que ma sécurité serait garantie ». Cette situation représente bien sûr un obstacle pour réunir des informations objectives, tâche qui incombe à Anaïs Marin. Son mandat prévoit qu’elle donne une chance au gouvernement de s’expliquer, mais elle ne dispose pas de davantage d’informations que celles que l’on trouve dans les médias et les médias de propagande biélorusses.

Témoignages effrayants

Grâce à la pandémie, à Internet et à des chaînes de télévision diffusée sur Telegram, la rapporteuse a toutefois pu obtenir beaucoup plus de témoignages directs de victimes ou de familles de victimes que les années précédente. « J’ai ainsi accumulé une documentation effroyable et effrayante sur les cas de torture qui ont été commis contre des détenus depuis le mois d’août. »

Anaïs Marin se montre quelque peu sceptique par rapport aux sanctions prises par la communauté internationale face à la Biélorussie, et notamment l’interdiction pour la compagnie nationale se survoler l’espace aérien européen. « C’est toujours le dilemme des sanctions », qui peuvent aussi se retourner contre la population.

Voir le sujet du 19h30: L’UE interdit son espace aérien à la Biélorussie après l’arrestation brutale de l’opposant Roman Protassevitch.

Couloir humanitaire

Selon elle, « l’interdiction de vol en provenance de la Biélorussie aurait dû être compensée par l’ouverture d’un couloir humanitaire, pour que les gens puissent fuir. Car la réalité maintenant, c’est qu’on laisse les victimes de l’oppression à la merci de leur bourreau. Sans vols directs de Minsk, il devront passer par la Russie pour quitter le pays ».

Lire aussi: Les pressions s’accentuent sur la Biélorussie après le détournement d’un avion

Des dizaines de milliers de personnes se sont réfugiés ces derniers temps dans des pays voisins, comme la Pologne ou la Lituanie, explique la rapporteuse de l’ONU. « Ce blocage de la compagnie aérienne va encore un peu plus isoler la population. Et je crois qu’il y a un sentiment de déprime aujourd’hui, encore plus que d’habitude, à l’annonce de cette mesure spécifique ».

Interview radio: Pietro Bugnon

Adaptation web: Jean-Philippe Rutz