La guerre du ciel aura lieu — Genève Vision, un nouveau point de vue

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L’incident n’est malgré tout pas banal. Il intervient entre deux puissances qui se sont déclarées rivales, et qui luttent pour la suprématie militaire et économique. Un général américain prédisait il y a quelques jours, à propos de Taïwan, que la guerre entre la Chine et les États-Unis éclaterait en 2025, très précisément.

En attendant la déflagration, les uns et les autres font d’honnêtes efforts. La guerre en Ukraine occupe beaucoup l’Amérique, et la Chine voudrait que le marché mondial retrouve de la sérénité. Ils avaient tout intérêt à reprendre un bout de dialogue. Antony Blinken devait visiter Pékin. Le voyage est reporté.

Entre le ciel des chasseurs et les satellites de l’espace, on découvre une nouvelle altitude, à 20 kilomètres au-dessus de nos têtes, peu exploitée encore, pas réglementée. Un interstice du ciel qui avait échappé à notre attention.

Les Américains ont pu suivre le périple fanfaron de ce ballon trop lumineux, du côté du Montana, et assister en direct à la destruction jouissive de la baudruche, près des côtes de la Caroline du Sud. Un spectacle fascinant, et une bande-annonce de la future guerre dans le ciel. À bien des égards, une surprise, et un paradoxe. On redécouvre dans la guerre en Ukraine l’importance de l’affrontement terrestre, et le recours décisif aux tanks. On observe la Chine investir massivement dans l’aéronaval. On ne parle que d’avions supersoniques, de missiles intercontinentaux, comme armes ultimes. C’est un ballon low cost qui a fait peur.

Le vol au-dessus des silos nucléaires du Montana est symbolique plus qu’il ne renseignera les Chinois. Mais en envoyant des ballons au-dessus de l’Amérique, la Chine signale, mine de rien, qu’elle se lance à la conquête de l’ouest, et que les gentils ballons pourraient un jour être suivis de méchantes bombes volantes. Elle se rappelle au bon souvenir du monde. C’est elle qui décidera de l’agenda guerrier.

A Genève, on élabore les scénarios les plus sophistiqués pour établir les rapprochements, organiser des tables rondes, construire la paix, avec des interlocuteurs difficiles, méfiants, tordus. Mais, là, avec la guerre à toutes les altitudes, et ces jeux célestes d’un nouveau type, nous sommes perplexes, empruntés. Il va falloir trouver de nouveaux logiciels de dialogue pour apporter un peu de raison à ce monde-là.

André Crettenand