La fusée géante Starship a explosé en l’air quelque minutes après son décollage au-dessus du Texas. Mais le premier vol test, sans passagers, de ce véhicule développé par SpaceX pour des voyages vers la Lune et Mars est déjà un succès pour l’entreprise d’Elon Musk.
La fusée géante s’est envolée sous les cris de joie des employés de SpaceX jeudi peu après l’ouverture de la fenêtre de tir de la base spatiale Starbase, située à l’extrême sud du Texas, aux Etats-Unis. Quelques minutes après, l’engin a explosé en vol pour une raison encore inconnue.
19h30 / 1 min. / 20.04.2023
“Rapid unscheduled disassembly”#SpaceX
— David Leavitt (@David_Leavitt) April 20, 2023
Cette explosion ne représente toutefois pas un échec pour l’entreprise du milliardaire Elon Musk, le fait que la fusée ait réussi à décoller de son pas tir représentant déjà une immense réussite.
« Nous avons réussi à quitter le pas de tir, ce qui honnêtement était tout ce que nous espérions », a déclaré une ingénieure de SpaceX, Kate Tice, lors du direct vidéo de la société.
Congrats @SpaceX team on an exciting test launch of Starship!
Learned a lot for next test launch in a few months. pic.twitter.com/gswdFut1dK
— Elon Musk (@elonmusk) April 20, 2023
« C’est tout de même un succès, car tout est nouveau dans cette fusée »: sa technologie réutilisable qui réduit drastiquement les coûts de lancement, son importante capacité et son financement privé, a aussi analysé le journaliste scientifique Olivier Dessibourg, jeudi sur le plateau du 19h30.
Lundi, une première tentative de lancement avait été annulée dans les dernières minutes du compte à rebours, à cause d’un problème technique
Les précisions d’Olivier Dessibourg dans le 19h30
Voir la vidéo du lancement de ce jour
Du haut de ses 120 mètres, Starship est à la fois plus grande que la nouvelle méga-fusée de la Nasa, SLS (98 m), qui s’est envolée pour la première fois en novembre, et que la légendaire Saturn V, la fusée du programme lunaire Apollo (111 m).
Ce mastodonte noir et argenté n’avait encore jamais volé dans sa configuration complète, avec son premier étage surpuissant, appelé Super Heavy et équipé de pas moins de 33 moteurs.
La fusée Starship explose peu après son décollage. [SpaceX – afp]
Seul le deuxième étage du véhicule, le vaisseau Starship qui donne par extension son nom à la fusée entière, a effectué des tests suborbitaux (à environ 10 km d’altitude). C’est lui qui a été choisi par la Nasa pour devenir, dans une version modifiée, l’alunisseur de la mission Artémis 3, qui doit ramener des astronautes sur la surface lunaire pour la première fois en plus d’un demi-siècle, officiellement en 2025.
Au-delà du symbole, la taille de la fusée Starship a un intérêt en termes de capacité, estime Boris Otter, spécialiste en tourisme spatial et initiateur du site Swiss Space Tourism. « Vous pouvez ainsi amener plus d’affaires et de personnes dans l’espace, sur des destinations plus lointaines », a-t-il souligné dans l’émission Forum de la RTS.
Starship doit pouvoir emporter jusqu’à 150 tonnes de chargement en orbite. Pour comparaison, la fusée Falcon 9 de SpaceX ne peut, elle, emporter qu’un peu plus de 22 tonnes en orbite terrestre basse.
Avec ce test jeudi, « il y a potentiellement un nouveau marché spatial qui vient de s’ouvrir, pour autant que SpaceX parvienne à assurer la production et la mise en service d’une large flotte de ses fusées Starship », a commenté Olivier Dessibourg.
Jeudi, le plan de vol était le suivant: environ trois minutes après le décollage, Super Heavy devait se détacher et retomber dans les eaux du golfe du Mexique.
Le vaisseau Starship devait alors allumer ses six moteurs et continuer seul son ascension, jusqu’à plus de 150 km d’altitude. Après avoir effectué un peu moins d’un tour de Terre durant environ une heure, il devait retomber dans l’océan Pacifique. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Il faut dire que franchir toutes ces étapes dès le premier vol d’essai aurait relevé de l’exploit. Le but était surtout de récolter un maximum de données pour améliorer les prototypes suivants.
Elon Musk a toujours tenu à tempérer les attentes, en déclarant qu’atteindre l’orbite du premier coup était peu probable. Avant le vol, il s’était contenté d’espérer que le pas de tir ne soit pas détruit par l’explosion des moteurs de Super Heavy au moment de l’allumage.
Pour Boris Otter, il était « prévisible » que le vol ne se passe pas dans les meilleures conditions. « C’est une étape de franchie qui permettra par la suite d’améliorer chaque fois un peu plus [les lancements], jusqu’au jour où on mettra des hommes dans la fusée », a-t-il déclaré.
L’interview de Boris Otter dans Forum
Starship doit pouvoir emporter jusqu’à 150 tonnes de chargement en orbite. Pour comparaison, la fusée Falcon 9 de SpaceX ne peut elle emporter qu’un peu plus de 22 tonnes en orbite terrestre basse.
Mais la véritable innovation de Starship est qu’elle doit être entièrement réutilisable, ce qu’Elon Musk pense réalisable d’ici « deux ou trois ans ».
Pour ce premier test, il ne sera tenté de récupérer aucun des deux étages de la fusée. Mais à terme, Super Heavy devra revenir se poser contre sa tour de lancement, équipée de deux bras pour l’immobiliser.
Le vaisseau Starship devra, lui, revenir se poser sur Terre à l’aide de rétrofusées. C’est cette manoeuvre qui avait été plusieurs fois tentée en 2020 et 2021. Après plusieurs explosions au moment de toucher terre, un prototype avait finalement réussi son atterrissage.
L’idée d’un lanceur réutilisable, la grande stratégie d’Elon Musk, est de casser les prix. Chaque vol de Starship pourrait à terme ne coûter que « quelques millions » de dollars, affirme-t-il.
Un impératif pour le milliardaire, qui estime que les humains auront besoin de centaines de fusées Starship pour avoir une chance de devenir une espèce multi-planétaire. Son but ultime est l’établissement d’une colonie autonome sur Mars.
boi/juma avec afp