La COP26 accouche d'un „accord de Glasgow” qui refroidit les défenseurs du climat — Genève Vision, un nouveau point de vue

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En matière d’énergies fossiles, les efforts ne devront être menés que pour « réduire » le charbon qui n’est pas accompagné d’un système de captation de CO2, plutôt que pour l’ « éliminer ». Quant à l’argent investi dans les énergies fossiles, l’accord évoque une sortie des subventions « inefficaces » aux énergies non renouvelables.

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La Suisse critique le revirement de dernière minute

Au nom de son groupe de négociation de cinq pays, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a dénoncé la manoeuvre de dernière minute inacceptable des pays qui recourent au charbon et fustigé le manque de « transparence » de la présidence britannique de la COP.

Selon elle, comme pour de nombreuses ONG, cette atténuation ne suffira pas pour limiter le réchauffement à 1,5°C d’ici 2100. Le Premier ministre britannique Boris Johnson avait pourtant affiché son souhait d’un compromis qui maintienne comme possible cet objectif.

Ce paquet « fait vraiment avancer les choses pour tout le monde », a affirmé le président de la COP26 Alok Sharma. Il a aussi estimé que le mandat donné à son chef de gouvernement était honoré. Mais, fait rarissime, il a officiellement présenté à la tribune « ses excuses » pour la procédure, admettant à demi-mot les critiques suisses.

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Réduction des émissions insuffisantes pour respecter l’accord de Paris

Dans la déclaration finale, l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C et à 2°C au maximum est réaffirmé. Les Etats devront oeuvrer à une réduction de 45% de leurs émissions d’ici 2030 par rapport à 2010 et à une neutralité carbone d’ici 2050. Problème: la Chine et l’Arabie saoudite ne prévoient cette neutralité que pour 2060. Quant à l’Inde, elle évoque 2070.

Or, les annonces récentes des Etats permettent au mieux d’atteindre +1,8°C, et l’étude considérée comme la plus sérieuse arrive plutôt à +2,4°C. L’ONU avait elle maintenu lundi son estimation à +2,7°C.

Les Etats devront donc revenir dès l’année prochaine avec des ambitions plus élevées pour s’aligner avec les objectifs de l’Accord de Paris. Mais là aussi, des « circonstances nationales particulières » sont prévues dans le document final. « Le plus important est décalé » d’un an, déplore le WWF Suisse.

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Fini le double comptage des réductions d’émissions à l’étranger

Parmi les succès, la COP26 aura réussi à adopter plusieurs règles pour faire en sorte que l’Accord de Paris soit appliqué. Le calendrier commun a été approuvé et prévoit que tous les pays annoncent des « contributions nationales » tous les cinq ans dès 2030 pour les dix années suivantes et même dès 2025 pour ceux qui le peuvent. Simonetta Sommaruga avait été chargée, avec son homologue rwandaise de l’environnement, de trouver une solution acceptable pour tous.

Sur une autre de ces règles, la Suisse aura réussi à préserver l’un de ses principaux objectifs à Glasgow: l’impossibilité d’un double comptage des réductions d’émissions de gaz à effet de serre lorsque celles-ci sont menées à l’étranger. « Nous avons pu éviter le pire », affirmait dès vendredi Simonetta Sommaruga.

Pas de mécanisme de compensation pour les dommages environnementaux déjà observés

Parmi les décalages de perceptions qui n’ont pas pu être résolus figure celui, entre les pays riches et ceux en développement, sur la question du financement. Les Etats-Unis, notamment, ont rejeté la demande de plus de 100 Etats de créer mécanisme de financement des « dommages » déjà observés en raison du changement climatique. Ce blocage étend le mécontentement de ces pays sur ce qu’ils appellent la « dette climatique ».

Les Etats riches n’ont pas réussi à honorer leur promesse de mobiliser 100 milliards de dollars de fonds publics et privés par an à partir de 2020 pour les aider. Et le document final ne prévoit qu’un appel à doubler d’ici 2025 le financement de l’adaptation au changement climatique pour ceux qui ne l’ont pas fait, appel trop tardif selon le WWF.

vic avec les agences

Une COP26 intense pour la Suisse et Simonetta Sommaruga

La Suisse sort d’une COP26 dans laquelle elle aura été au premier plan. Arrivée mardi, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga aura été active sur de nombreux fronts, comme négociatrice pour le groupe de six Etats – Mexique, Liechtenstein, Monaco, Géorgie, Corée du Sud – que la Suisse dirige à la COP, mais également comme intermédiaire.

Avant la réunion, la délégation suisse laissait entendre que le rejet de la loi CO2 rendrait plus difficile de convaincre d’autres pays de faire davantage d’efforts. Mais durant la semaine, la conseillère fédérale a estimé pour sa part que la crédibilité internationale du pays était intacte. Preuve en est, selon elle, le mandat donné par Alok Sharma de trouver, avec son homologue rwandaise de l’environnement, des calendriers communs acceptables pour tous pour les efforts des Etats après 2030.

Multipliant les efforts sur cette question, Simonetta Sommaruga a obtenu un compromis sur la solution favorisée par une majorité d’Etats et la Suisse, rendue possible aussi par la collaboration américano-chinoise annoncée mercredi.

Promouvoir les réductions des émissions à l’étranger

La conseillère fédérale a également cherché à montrer à la communauté internationale que des accords bilatéraux pour réduire en partie ses émissions de gaz à effet de serre à l’étranger sont possibles. En signant jeudi deux nouveaux arrangements après quatre autres déjà conclus depuis un an, elle a tenu à relever que ceux-ci devaient donner un élan à des règles multilatérales robustes.

Avec une centaine de pays à chaque fois, elle a décidé de mettre un terme à la déforestation en 2030 et de réduire de 30% les émissions de méthane à la même période. Autre action, à laquelle moins d’Etats se sont ralliés, elle ne veut plus accepter la commercialisation de camions ou de voitures de livraison polluants en 2040. Au total, 30% de nouveaux véhicules propres seront vendus dès 2030 et une neutralité carbone totale devra être atteinte en 2050.

En revanche, elle n’a pas rejoint d’autres initiatives, dont celle sur l’obligation pour les fabricants de véhicules et les investisseurs d’abandonner les moteurs à combustion d’ici 2035. L’Association transports et environnement (ATE) s’est dite « déçue » par cette décision suisse. La Suisse ne s’est pas non plus associée à une coalition d’une vingtaine de pays pour la fin du financement des énergies non renouvelables.