La Chine accroît son pouvoir économique et l'Allemagne sa dépendance — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Au sein du gouvernement, les Verts et les libéraux du FDP se sont positionnés contre cette décision, estimant que cela mettait en danger une infrastructure critique. Six ministères ont également désapprouvé l’opération. Malgré les critiques, Olaf Scholz a décidé de maintenir la transaction avec une prise de participation moins élevée.

Lire à ce sujet: L’Allemagne autorise une participation chinoise limitée dans le port de Hambourg

Mais ce « compromis » est toujours dénoncé en Allemagne. La presse parle de « catastrophe qui renforce la dépendance allemande à l’égard de la Chine ». « Olaf Scholz poursuit la politique fatale d’Angela Merkel », écrivent certains journaux et même le quotidien très libéral Frankfurter Allgemeine Zeitung déclare que « la sécurité est plus importante que le commerce ».

Une mainmise sur le commerce mondial

La Chine veut accroître sa mainmise sur le commerce mondial. [Ju Peng – AFP].

Avec cette opération, le chancelier allemand veut défendre l’activité économique du port de Hambourg, ville dont il a été le maire. Il fait partie de ceux qui redoutent que le groupe chinois aille voir ailleurs, puisqu’il est déjà présent dans une dizaine de ports en Europe. En outre, Olaf Scholz doit se rendre début novembre en Chine et il n’aurait pas pu y aller si cette transaction n’avait pas été autorisée par son gouvernement.

Pour la Chine, cette stratégie permet d’accroître la mainmise du pays, et donc du Parti communiste, sur le commerce mondial. Posséder des parts de terminaux portuaires donne la possibilité de se prononcer sur les navires autorisés à accoster, sur le moment où la cargaison peut être chargée ou déchargée ou encore sur le lieu où celle-ci est stockée.

L’influence en termes de logistique est loin d’être négligeable, d’autant plus que Pékin, via notamment son géant du transport maritime Cosco, une entreprise d’Etat liée à l’appareil politique, a largement étendu son réseau portuaire après l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. La Chine possède actuellement tout ou partie d’une centaine de terminaux portuaires à travers la planète.

De nombreux experts mettent en garde contre cette stratégie d’acquisition. En étendant son contrôle des chaînes d’approvisionnement, Pékin augmente aussi la dépendance internationale à son égard: de quoi désamorcer de potentielles sanctions économiques dans un contexte de tensions croissantes. Les autorités mettraient notamment en place des leviers pour éviter le sort de la Russie après l’invasion de l’Ukraine.

Olaf Scholz contre l’opinion publique

Olaf Scholz veut défendre l’activité économique du port de Hambourg malgré les critiques. [Emmanuele Contini / NurPhoto – AFP].

En Allemagne, l’opinion publique est sensible au sujet de sa dépendance vis-à-vis de la Chine mais le chancelier Olaf Scholz semble faire cavalier seul et ne pas tenir compte de ces inquiétudes. Le pays est présent sur le marché chinois depuis longtemps et les chanceliers et chancelière se sont toujours déplacés en Chine avec pléthores de patrons.

Toutes les grandes entreprises allemandes font une partie importante de leur chiffre d’affaires en Chine. Volkswagen, par exemple, y vend presque 40% de ses voitures neuves. Cette situation a d’ailleurs fait dire récemment au patron de BASF qu’il fallait « arrêter de taper sur la Chine ». Mais ce n’est pas l’avis de toutes les entreprises.

A l’occasion du voyage d’Olaf Scholz en Chine, certains grands patrons se sont défilés. Le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung cite Mercedes, Bosch, Continental, SAP ou Thyssen Krupp. Ces entreprises ne veulent pas associer leur image avec celle du chancelier allemand venu congratuler Xi Jinping. En outre, la politique zéro Covid de Pékin a également perturbé les activités économiques des entreprises, faisant douter les milieux économiques allemands de l’intérêt du marché chinois qui s’avère plus risqué et moins stable qu’auparavant.

Le pouvoir de la Chine sur l’Europe

Pour le gouvernement chinois, la venue du chancelier allemand est importante car il sera le premier dirigeant occidental à rendre visite à Xi Jinping depuis sa consolidation sans précédent du pouvoir lors du Congrès du parti qui vient de s’achever. Signe en tout cas du rapport de force et de la dépendance de Berlin envers Pékin à l’heure où l’Union européenne tente justement de muscler le ton face à une Chine qualifiée de rivale systémique.

La visite d’Etat d’Olaf Scholz expose au grand jour les obstacles sur lesquels bute l’Europe lorsqu’il s’agit de mettre sur pied une stratégie cohérente pour contrer la montée en puissance de la Chine. Le président français Emmanuel Macron avait proposé un déplacement conjoint, histoire d’afficher un semblant d’unité, mais la proposition a été déclinée par le chancelier allemand.

Pour Xi Jinping, ces différends au sein de l’Union européenne lui permettent d’atteindre son objectif d’affaiblir, voire de désamorcer la fronde politique apparue ces dernières années en Europe.

Sujet radio: Blandine Milcent et Michael Peuker

Adaptation web: aps