Ken Follett: „Le monde ne semble jamais avoir été aussi dangereux” — Genève Vision, un nouveau point de vue

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L’intrigue du roman de plus de 800 pages est fortement inspirée des réalités géopolitiques actuelles. Elle rappelle comment une série d’événements plutôt anodins peut produire un effet d’emballement aux conséquences très sérieuses. Parmi les personnages, on trouve ainsi une présidente des Etats-Unis, des agents secrets qui traquent des terroristes en Afrique, un haut dirigeant chinois ou encore un agent double nord-coréen.

Un monde « toujours plus dangereux »

Pour l’auteur à succès, le monde actuel semble être l’endroit le plus dangereux qu’il a connu en ses 73 ans d’existence. « Toute ma vie, j’ai vécu avec la guerre froide et la menace d’une guerre nucléaire avec les Soviétiques. Mais il me semble qu’en 2022, la menace est encore bien pire », a-t-il confié mercredi dans Tout un monde. C’est une des motivations qui a poussé Ken Follett à s’inspirer de l’actualité plutôt que d’une période du passé, comme il a l’habitude de le faire dans ses romans.

Le passionné d’Histoire est également fasciné par la manière dont des dirigeants peuvent, sans le vouloir, être entraînés dans un conflit.  « En 1914, les dirigeants de l’Europe n’étaient pas stupides. Ils ne voulaient pas d’une guerre européenne, encore moins d’une guerre mondiale. Et pourtant, chacun d’entre eux a fait de petits pas qui ont conduit inexorablement à la pire des guerres. Et je me demande: ‘Est-ce ainsi que cela a pu nous arriver, involontairement, alors que personne ne le voulait?’ Tout le monde essayait de l’arrêter, mais ils n’y sont pas parvenus. »

Un nouvel adversaire stratégique

Dans son dernier roman, « Never », ce n’est plus l’Union soviétique mais la Chine qui jouent le rôle d’adversaire stratégique. Un reflet de la montée en force ces vingt dernières de la deuxième puissance économique mondiale.

« Les tensions se sont progressivement apaisées entre l’Union soviétique et l’Occident dans les années 1980. Mais les Chinois sont arrivés. En plus de ne pas être pas faciles à comprendre, ils sont imprévisibles et en colère. La Chine parle de son passé comme de l’ère de l’humiliation, en raison de la manière dont elle a été traitée à l’époque par les pays occidentaux ».

Poutine et la reine Elisabeth Ière: même tactique ?

Interrogé au sujet de la crise ukrainienne, Ken Follett livre une comparaison historique plutôt inattendue. « La politique étrangère de Vladimir Poutine est similaire à celle menée par la reine Elisabeth Ière. » En effet, à l’époque, l’Angleterre n’était pas encore une puissance dominante. C’était le roi d’Espagne qui détenait une grande partie du pouvoir.

« La reine Elisabeth voulait s’assurer que l’Espagne ne domine pas la politique européenne. Pour arriver à ses fins, au lieu d’entrer en guerre, elle a préférer utiliser la technique de la déstabilisation, en encourageant par exemple la guerre civile aux Pays-Bas », explique Ken Follett.

Ainsi, pour le passionné d’Histoire, l’Angleterre causait des problème à l’Espagne de la même manière que Poutine en cause aujourd’hui aux Etats-Unis. « Partout où il le peut, Poutine agace, titille, déséquilibre les puissances occidentales. La grande question est désormais de savoir jusqu’où il va aller? », s’interroge Ken Follett qui n’exclut pas que le chef d’Etat puisse aller un jour trop loin et causer de graves dégâts.

Ecouter aussi le sujet de Tout un monde: Crise ukrainienne: le point sur les tensions entre la Russie et les Occidentaux

Au plus proche des faits

Dans ses romans historiques, comme dans son dernier livre, Ken Follett est très méticuleux dans ses recherches. « Je ressens une certaine responsabilité car des millions de gens tirent leurs connaissances historiques de mes romans », explique l’écrivain anglais.

Il peut s’appuyer sur des historiens, des recherchistes et des sources qui ne sont pas forcément accessibles à tout le monde, comme Gordon Brown, l’ancien Premier ministre britannique, ou encore Catherine Ashton, l’ancienne haute représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères. Il leur demandait si les événements décrits dans le roman étaient plausibles et adaptait son texte en fonction de leurs remarques.

Ken Follett a vendu près de 200 millions de livres dans le monde. Ses romans sont traduits dans une trentaine de langues.

Sujet radio: Patrick Chaboudez

Adaptation web: Hélène Krähenbühl