Inculpés, levez-vous! — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Pour Vladimir Poutine, on est dans un tout autre registre, qui serait plutôt celui de l’ogre si l’on veut filer la métaphore des contes. L’histoire commence ainsi, racontée dans « Le Monde » : « Ils avaient disparu sans bruit, dans la tourmente de la guerre. Un vendredi d’automne, veille de vacances scolaires, des centaines d’enfants de la région de Kherson n’étaient pas rentrés chez eux. »

Une histoire de Petit Poucet, multipliée par 16’226, le nombre des enfants ukrainiens volés par l’ogre du Kremlin (dans le langage juridique on dit plutôt « déportés illégalement » en Russie) qui valent à Vladimir Poutine d’être poursuivi pour crimes de guerre par la Cour pénale internationale (CPI). De son côté, la Commission internationale indépendante d’enquête sur l’Ukraine conclut dans son dernier rapport que la Russie a commis un large éventail de crimes de guerre.

Certains de ces enfants commencent à revenir, au compte-goutte, 300 jusqu’à aujourd’hui. Et ils racontent les brimades, les insultes, les mensonges qui leur faisaient croire que leurs parents les avaient abandonnés, copié-collé des contes. Et la nouvelle vie qui les attendait dans une famille russe au mieux ou à l’orphelinat.

L’orphelinat où se trouve aussi cette adolescente russe de 13 ans, Maria Moskalieva. Son histoire a beaucoup choqué, y compris en Russie. Elle a fait un dessin à l’école, des missiles russes qui visent une famille avec un drapeau ukrainien, dénoncé par son institutrice. Son père, militant anti-guerre qui l’élève seul, a été condamné à deux ans de prison pour avoir de son côté discrédité l’armée russe sur les réseaux sociaux. Il a décidé de prendre la fuite avant le jugement, sachant qu’il serait privé de l’autorité parentale. Sa fille, qui ne l’a pas revu, lui a fait passer un dessin où elle a écrit « Papa, tu es mon héros ». Il vient d’être arrêté en Biélorussie.

La morale de tout cela est que Vladimir Poutine et Donald Trump seront peut-être réélus présidents en 2024. Une éventuelle condamnation dans cette affaire de mœurs mineure au regard de toutes les autres qui pourraient aussi le mener au tribunal, dont celle de l’assaut contre le Capitole, n’empêchera pas Trump d’être à nouveau candidat. D’autant plus qu’il méprise les juges et a souvent dit qu’il était au-dessus des lois. Il caracole en tête des sondages pour les primaires républicaines et ses partisans vont se sentir galvanisés contre l’institution judiciaire. Quant à Poutine, rien ne l’empêchera de se représenter et de l’emporter. Sauf s’il perd la guerre ou qu’il est arrêté pour crimes de guerre dans un des 123 pays reconnaissant la CPI. Où il aura la prudence de ne pas se rendre.

Jean-Philippe Schaller