Il est le nouveau dieu de la guerre — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Poutine est le nouveau dieu de la guerre, et donc de la paix. Il dispense la peur ou l’espoir. Il souffle le chaud et le froid. Le monde entier s’est tourné vers lui et attend avec anxiété. Les présidents se rendent à Moscou bravaches, mais ils semblent des suppliants en bout de table.

C’était au tour d’Olaf Scholz d’entreprendre cette semaine le voyage à l’Est. Fort de l’expérience de ses prédécesseurs au Kremlin, le chancelier allemand savait qu’il ne pouvait que gagner du temps, mais pas davantage. Son pays est très dépendant du gaz russe. Près de la moitié de son approvisionnement dépend de la Russie. Il joue donc une partie délicate. Rassurer les Européens et les Américains qu’il sera solidaire et ferme sur les sanctions, et, en même temps, obtenir des Russes de ne pas couper l’alimentation en énergie.

La crise ukrainienne agit comme un révélateur des défis et des inquiétudes de chacun. Les États-Unis sont contrariés par cette affaire qui les accapare et les empêche de se concentrer sur l’Asie. L’Europe, divisée, fait l’expérience de son retard en matière de défense et de politique extérieure. La France s’efforce de jouer un rôle, mais elle est renvoyée à son statut de puissance moyenne. L’Allemagne, déchirée, est empêtrée dans ses contradictions. L’équilibre que l’on croyait acquis après la chute du Mur et l’effondrement de l’URSS n’en était pas un, et on en découvre la fragilité.

« L’Europe se voulait être un jardin kantien où règnerait la paix perpétuelle, avec la renonciation au recours à la force comme mode de règlement des disputes entre ses parties prenantes », dit François Heisbourg. L’Histoire s’est accélérée. L’Europe connaît le conflit le plus grave depuis la Guerre froide. La voilà confrontée à un nouveau défi, reconstruire la puissance pour pouvoir compter sur la scène internationale et se prémunir des crises à venir.

L’arme psychologique aura aussi beaucoup compté. C’est l’autre leçon du conflit.  Le concept de guerre hybride, faite d’influences, de fausses informations et d’attaques cyber, a trouvé ici une parfaite concrétisation, et donné à voir ce à quoi ressembleront de plus en plus les conflits de demain, ou leur prologue.

Poutine ne va peut-être pas envahir l’Ukraine. Mais n’a-t-il pas obtenu une partie de ce qu’il souhaitait, à savoir l’impossibilité de fait pour l’Ukraine de rejoindre l’OTAN et l’Union européenne. Il a démontré qu’il pouvait faire trembler le monde. On sait qu’il pourra le refaire demain. Et cette seule perspective freinera toute velléité occidentale. L’OTAN est empêchée. En fermant sa porte, l’Alliance risque de faire le jeu de la Russie. En l’entrouvrant, elle alimente les tensions.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky fait face avec courage et détermination. Cet amuseur public, reconverti en homme d’État, est capable de gérer un pays menacé d’invasion avec un sang-froid qui force l’admiration. Il ne se prive pas de répéter que son pays souhaite rejoindre l’OTAN, alors que des chars manœuvrent à sa frontière. Jamais autant, la fonction n’aura révélé l’homme.

André Crettenand

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