GESDA: le pari de la diplomatie scientifique pour prendre soin du monde — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Son analyse touche à divers domaines, de l’informatique quantique à l’Intelligence artificielle (IA), de la révision du génome à l’amélioration de la mémoire.

Les technologies quantiques, par exemple, peuvent traiter des informations sur les comportements des particules subatomiques et ainsi exécuter des calculs et des communications bien plus sophistiqués que les technologies standard. Le GESDA prévoit que, dans 25 ans, les technologies quantiques seront en mesure de déchiffrer facilement le chiffrement RSA, une forme répandue de cryptage de données. Les gouvernements et l’industrie devront s’y préparer.

L’amélioration et la manipulation de la mémoire grâce à la technologie pourraient-elles aussi devenir accessibles dans ce même délai. L’optogénétique, soit l’insertion de matériel génétique qui rend les neurones spécifiques plus sensibles à la lumière, pourrait supprimer ou améliorer la mémoire par l’utilisation d’impulsions lumineuses. Cette approche pourrait aussi être utilisée pour générer de faux souvenirs. L’optogénétique pourrait être une aubaine pour le traitement des traumatismes, mais comporte aussi des risques, si elle est utilisée de manière non-éthique.

Comment résoudre un problème tel que le futur?

«Les progrès de la science s’accélèrent, et la gouvernance lui emboîte bien trop souvent le pas» déclare à Geneva Solutions Olivier Dessibourg, directeur exécutif de la communication scientifique et de la sensibilisation au GESDA. Le GESDA a pour objectif d’établir une relation plus harmonieuse entre ces deux secteurs.

«Notre mission comporte trois volets», précise Olivier Dessibourg. «L’un consiste à anticiper, l’autre à accélérer, et le troisième à traduire.»

Au cours des trois dernières années, le GESDA a organisé des discussions entre scientifiques et diplomates, produisant des mémoires d’anticipation et planifiant les prochaines étapes. La phase d’accélération a débuté en rassemblant les communautés scientifiques et diplomatiques pour stimuler la préparation.

«Nous n’avons pas de boule de cristal, nous ne prédisons pas le futur», ajoute Olivier Dessibourg. «Nous sommes d’honnêtes courtiers, nous essayons de prévoir, grâce aux indications que nous recevons aujourd’hui des laboratoires, quelle pourrait être la prochaine révolution».

La GESDA a déjà permis à 500 scientifiques du monde entier de collaborer entre eux et avec la communauté diplomatique. La fondation s’est entretenue avec quasiment tous les chefs d’agence de l’ONU. Tous se sont joints à cette initiative, dit Michael Møller, président du forum diplomatique du GESDA, ancien directeur général du Bureau des Nations Unies à Genève et ancien sous-secrétaire général des Nations Unies.

Les représentants des gouvernements ont également manifesté leur intérêt. «Au cours de nos échanges, ils nous disent très rapidement «on aimerait aussi participer aux échange»», confie Michael Møller.

Prévenir les pertes lors de la traduction

Pour le GESDA, il s’agit aussi de traduire le discours scientifique en discours politique et vice versa. Les interactions compliquées entre les politiciens suisses et la Task Force COVID ont démontré l’importance d’une bonne communication et d’une compréhension mutuelle entre les scientifiques et les décideurs. Certains membres de la Task Force ont estimé que les politiciens n’avaient pas suffisamment pris en compte la science dans leurs prises de décision, tandis que d’autres ont estimé qu’il fallait une prise de conscience plus importante des considérations sociales et économiques du côté scientifique, explique Olivier Dessibourg.

Le GESDA s’efforce de combler cette lacune. «D’un côté, il y a les scientifiques, qui ont parfois l’impression de ne pas pouvoir transmettre le message aux bonnes personnes et au bon niveau. D’autre part, vous avez des décideurs de haut rang et des représentants d’organisations internationales qui sont intéressés à entendre directement les scientifiques», a-t-il ajouté.

Le GESDA a tenu deux réunions de crise anticipées: l’une en décembre 2020 et l’autre en juin. Ces dernières ont permis de réunir 40 à 50 membres des communautés scientifiques et décisionnelles pour dialoguer ensemble. Ces séances de crise ont développé des solutions sur quatre fronts: la science et la diplomatie; l’éco-régénération et la géo-ingénierie; l’accroissement humain; et la révolution quantique et l’IA avancée.

Les discussions doivent aussi se traduire par des politiques, des initiatives et des institutions concrètes.«Parmi les idées issues de ces réunions de crise anticipées du GESDA, certaines pourraient se traduire par des initiatives qui pourraient s’incarner dans une nouvelle institution basée à Genève pour faciliter la communication et l’élaboration de politiques dans une perspective mondiale», dit Olivier Dessibourg.

Le GESDA est en train de récolter des fonds. Il a levé CHF 9 millions depuis 2019, dont 60% proviennent de fondations privées, le reste provenant de fonds publics. En leur qualité de membres fondateurs, le gouvernement helvétique a fourni CHF 3 millions, et le Canton et la Ville de Genève ont respectivement investi CHF 300’000.

La GESDA lancera ses premières initiatives concrètes lors d’un sommet qu’il organise début octobre.

Le droit à la science

Au cœur de la réflexion du GESDA se trouve le fait que les bénéfices de la science sont un droit humain, tel qu’il est défini à l’article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

«Ce que nous voulons favoriser, ce sont les interactions entre les scientifiques et les membres de la communauté diplomatique pour une réflexion commune sur les avancées possibles de la science – pour qu’ils maintiennent ces avancées ouvertes, disponibles et accessibles, afin que la planète toute entière en bénéficie», précise Olivier Dessibourg.

Le GESDA utilisera l’écosystème genevois d’organisations internationales, d’universités, d’organisations non gouvernementales et de centres de recherche comme tremplin pour l’inclusion mondiale. «Il est vraiment important que tout le monde sur cette planète ait accès aux données scientifiques qui sortent de ces laboratoires», dit Michael Møller.

En avant et plus loin

Les fondateurs et les investisseurs confirmeront probablement le printemps prochain s’il est temps de passer à la prochaine phase. Il est cependant peu probable que le travail du GESDA s’arrête au-delà de la phase pilote, qui se termine en août 2022, malgré les premières interrogations sur sa capacité à fournir des résultats.

«Nous avons agi assez rapidement compte tenu de la situation dans laquelle se trouve le monde depuis un an et demi», dit Michael Møller. «Je suis particulièrement satisfait de la qualité du personnel. Nous formons une petite équipe, et tout le monde travaille à fond.»

A l’approche du premier sommet

Le GESDA organise son premier sommet du 7 au 9 octobre. Il y présentera son «radar» de découvertes scientifiques, développé avec les 500 scientifiques de son réseau au cours des 12 derniers mois. Le «radar» approfondira 72 développements scientifiques émergents.

Le sommet réunira des dirigeants des secteurs universitaire, public et privé, ainsi que des citoyens intéressés, pour discuter du radar et des prochaines étapes. Les 99 orateurs du sommet, dont 58 hommes et 41 femmes, proviennent de 33 pays. La Haute-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies Michelle Bachelet prendra la parole lors de la session plénière du 8 octobre.

«L’intérêt de toutes les parties, y compris les utilisateurs finaux potentiels, les scientifiques, les politiciens, les diplomates et le grand public, est très élevé», commente Michael Møller.

Geneva Solutions est partenaire média du Geneva Science and Diplomacy Anticipator (GESDA).

Article d’Irene Velicer pour Geneva Solutions, traduit de l’anglais par Katia Staehli