Genève internationale: le récit qui révolte — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Les témoignages sont stupéfiants. Les employeurs indélicats ont un moyen de pression imparable. Ils obtiennent des autorités suisses des cartes de légitimation qui permettent à ces femmes de travailler chez eux et de résider en Suisse. Ces femmes doivent alors trouver des heures de ménage ailleurs, chez des privés, pour se faire un peu d’argent, au noir, et survivre.

Le système perdure parfois depuis des dizaines d’années. Conscients qu’ils violent la loi, certains employeurs poussent la perversité jusqu’à verser des salaires qu’ils demandent ensuite de rembourser cash, afin de pouvoir justifier de contrats en bonne et due forme auprès des autorités. Tel autre fait suivre son employée, faisant peser la menace d’un retrait de la carte de légitimation qui la condamnerait à quitter la Suisse. Ces femmes acceptent souvent leur sort parce que le peu qu’elle gagne leur permet de subvenir à leur famille restée au pays.

Ces diplomates, souvent représentants de leur pays auprès des Nations Unies, sévissent sur la place même où l’on proclame les droits humains, et où l’on s’engage à lutter contre les inégalités et les injustices.

C’est la Mission suisse auprès de l’ONU à Genève qui attribue les cartes de légitimation. L’ambassadeur Jürg Lauber, chef de la Mission, dit être au courant et avoir pris contact avec la Mission pakistanaise notamment, mise en cause dans cette affaire, espérant que la situation va s’améliorer. Il explique aussi que les employées sont reçues chaque année et qu’elles ont tout loisir d’exprimer leurs soucis. C’est ne pas tenir compte de leur situation de dépendance absolue et de leurs craintes.

Pour avoir porté plainte, l’une d’entre elles a été licenciée. Elle est donc menacée de renvoi.

Le Conseil fédéral interpellé

Une affaire aussi abjecte mériterait une réaction plus vive et une promesse d’engagement plus forte de la Suisse. On s’attendrait au minimum à de la compassion, à défaut de mesures que l’on imagine complexes étant donné le statut derrière lequel se réfugient les diplomates. Mais ces représentations diplomatiques monnayent en quelque sorte des cartes de légitimation qui ne leur appartiennent pas.

Les employées, soutenues et aidées par le syndicat SIT, ont écrit au Conseil fédéral. Elles y trouveront peut-être une oreille plus compatissante. Leur récit est émouvant, il faut l’entendre.

André Crettenand