Garanti sans ChatGPT — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Régulation, régulation, régulation! C’est le mantra à la mode face à cette révolution de l’IA que certains comparent à l’invention de l’imprimerie. Il suffit de voir les chiffres: lancé le 30 novembre 2022, ChatGPT, le robot conversationnel qui se prend pour Einstein en résolvant n’importe quelle équation, mais qui prend aussi la casquette de majordome en vous concoctant des recettes de cuisine ou des programmes de voyage, est en passe de franchir la barre des 200 millions d’utilisateurs. Le marché est colossal, il pourrait dépasser les 1’500 milliards de dollars selon le dernier rapport des Nations unies. Microsoft a investi 10 milliards de dollars dans la start-up OpenAi pour intégrer ChatGPT à son moteur de recherche Bing, avec une connexion à internet qui ouvrira les vannes de tous les biais et dérives possibles !

Après Google et Elon Musk (qui avait pourtant signé le moratoire de 6 mois sur l’IA), les géants de la tech se sont tous lancés dans la course aux neurones électroniques. Poutine dans un rare éclair de lucidité avant sa folle guerre en Ukraine l’avait annoncé: celui qui remportera la bataille de l’IA dominera le monde… Pour le meilleur, avec des avancées spectaculaires en médecine ou pour la détection des séismes, mais aussi pour le pire, avec des armes autonomes, la désinformation à large échelle (le grand test que tout le monde redoute sera les élections américaines de 2024, après le précédent de 2016), ou l’accès à vos données. Au point que Geoffrey Hinton, l’un des pères de l’IA a dit regretter son invention, tel un Frankenstein à qui sa créature a échappé…

Alors on fait quoi pour réguler? La Chine, qui possède la plus grande base de données pour entraîner l’IA grâce à la surveillance de ses 1,4 milliards d’habitants, a tranché comme elle l’avait fait pour internet et les réseaux sociaux occidentaux: interdiction de ChatGPT. Et ses logiciels maisons, comme Ernie Bot de Baidu ou Tongyi Qianwen d’Alibaba, doivent passer par le contrôle du régulateur, autrement dit ne pas permettre la moindre critique du régime… L’Italie aussi avait interdit ChatGPT avant de revenir sur ses pas, après avoir obtenu des garanties de la part d’OpenAI pour mieux contrôler l’accès des mineurs.

Joe Biden a également pris le diablotin par les cornes en convoquant les patrons de Google, Microsoft et OpenAI à la Maison-Blanche. « Aujourd’hui @POTUS et @VP ont rencontré des PDG  pour souligner la responsabilité fondamentale des entreprises de s’assurer que leurs produits d’IA sont sûrs avant leur sortie, et l’importance d’une innovation américaine responsable en matière d’IA, qui protège les droits de la sécurité des personnes ». La start-up Anthropic a pris les devants pour son AI prénommée Claude, à qui sont inculquées d’office des valeurs morales imposant des réponses contre la torture, l’esclavage et les traitements inhumains et dégradants.

Today, @POTUS and @VP met with CEOs to underscore the fundamental responsibility companies have to ensure their AI products are safe before they’re released, and the importance of responsible American innovation in AI that protect people’s rights and safety. pic.twitter.com/r6k9s3pGDU

— The White House (@WhiteHouse) May 5, 2023

Mais c’est l’Union européenne qui est la plus en avance en matière de régulation. Tout comme elle avait montré l’exemple avec le Digital Market Act et le Digital Security Act, elle élabore depuis deux ans un AI Act. Un projet de règlement pour encadrer son usage et sa commercialisation, qui pourrait aboutir en juin, après un premier vote le 11 mai. Ce qui pourrait nous épargner des controverses comme celle provoquée par Amnesty International. L’ONG a cru bon de fabriquer de fausses photos pour alerter sur la violence policière en Colombie. On y voit une manifestante emmenée de force par deux policiers au cours d’une manifestation. Criant de vérité, sauf que c’est faux, comme nous en avertit une minuscule légende sous la photo.

Alors, vaut-il mieux protéger l’identité des personnes réellement menacées dans les pays autoritaires, comme se justifie Amnesty, ou montrer la vérité comme y incite le photographe suisse Niels Ackermann dans Le Temps: « Plus les institutions comme la vôtre utilisent des photographies synthétiques pour illustrer des situations réelles, moins les gens croiront en votre message et aux images qui les documentent. Agissez en citoyens : si vous dites la vérité, montrez la vérité ». Sabine Süsstrunk reste optimiste. Dans « Géopolitis », elle appelle à « ne pas sous-estimer l’intelligence humaine » pour faire la part du vrai et du faux. Oui, mais jusqu’à quand…

Jean-Philippe Schaller