En Iran, la contestation se met de plus en plus en scène, défiant le pouvoir — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Certaines femmes vont même plus loin, se montrant près des forces de sécurité. Pourtant, officiellement, retirer le voile reste contraire à la loi.

MAGNIFIQUE. Une femme dévoilée reprend devant la tour de la liberté de Téhéran la danse traditionnelle baloutche réalisée par Khodanoor Lahjei, protestataire tué à Zahedan (sud-est de l’#Iran) au lendemain du « vendredi de sang » où 100 manifestants ont été abattus. #MahsaAmini pic.twitter.com/r0lXF8mMyK

— Armin Arefi (@arminarefi) November 10, 2022

Des sportifs refusent de chanter l’hymne officiel de la République islamique lors des compétitions à l’étranger et des personnalités comme l’actrice Fatemeh Motamed-Arya s’affichent sans foulard, déclarant larmes aux yeux: « Je suis la mère de toutes les filles en Iran et je n’appartiens pas au pays des meurtriers ».

This is unprecedented! Iranian actress Fatemeh Motamed-Arya spoke at a public funeral without her obligatory headscarf #مهسا_امینیpic.twitter.com/RQiE5Hf2qX

— Golnaz Esfandiari (@GEsfandiari) September 28, 2022

Ce mouvement de contestation a été déclenché par la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, 22 ans, trois jours après son arrestation par la police des moeurs pour un voile mal porté. Depuis les manifestations pour dénoncer la violence à l’égard des femmes ont pris de l’ampleur, s’étendant à toutes les couches de la société iranienne, avec un écho international important.

Le pouvoir clérical critiqué

Au-delà des droits des femmes, la rébellion interroge les fondements même de la République islamique dirigée par l’ayatollah Khamenei, âgé de 83 ans et au pouvoir depuis 1979. Il s’agit d’une théocratie reposant sur deux piliers: le clergé chiite qui dirige le pays et le corps des Gardiens de la révolution, qui protège le régime contre les ennemis internes et externes.

Lire: Mahnaz Shirali: « Le voile n’est qu’un prétexte, la jeunesse iranienne vise la chute du régime »

Cet automne, la répression a fait au moins 304 morts, dont 41 enfants et 24 femmes, selon Iran Human Rights Watch, une ONG basée à Oslo, en Norvège. Des milliers de personnes auraient été placées en détention.

Elle n’a cependant pas suffi à arrêter le mouvement. Les graffitis se multiplient sur les murs et dans les rues, visant même pour certains directement le Guide suprême, dans une escalade de langage plutôt rare. Car l’audace semble prendre le pas sur la peur.

MÊME LES ENFANTS s’adonnent au « jeu » du turban, qui vise à faire tomber le couvre-chef d’un mollah en signe de contestation contre le pouvoir clérical en #Iran. #MahsaAmini pic.twitter.com/WgPcQcAorm

— Armin Arefi (@arminarefi) November 9, 2022

Iraniens et Iraniennes défient même les forces de sécurité directement, allant jusqu’à s’en prendre au couvre-chef des mollahs en public, en signe de protestation contre le pouvoir clérical.

Mercredi, la principale coalition du camp réformateur en Iran a même appelé à un référendum pour sortir de la « crise », appelant à « des changements immédiats, courageux et novateurs » de l’Etat.

L’armée se dit « prête »

Depuis le début, il y a près de deux mois, de ces manifestations qualifiées généralement d’ »émeutes » par les autorités, c’est essentiellement la police qui intervient sur le terrain face aux protestataires. L’armée pourrait toutefois être appelée en renfort.

C’est du moins ce que laisse présager la déclaration du général Kioumars Heydari, le commandant des forces terrestres de l’armée iranienne, qui a averti jeudi que ses troupes attendaient les ordres de l’ayatollah Ali Khamenei pour intervenir face aux manifestants, qu’il décrit comme des « mouches ».

Lire: En Iran, la révolte survit à la répression par la puissance des réseaux sociaux

Dimanche, une grande majorité des 290 députés iraniens ont réclamé l’application de la loi du talion contre les « ennemis de Dieu » en référence aux auteurs des émeutes qui secouent le pays. « Nous demandons au pouvoir judiciaire de traiter de manière décisive les auteurs de ces crimes et tous ceux qui ont incité les émeutiers, y compris certains politiciens », ont-ils déclaré dans un texte publié par l’Icana, l’agence du Parlement iranien.

Est-ce le signe qu’un coup d’arrêt brutal se prépare à Téhéran? Fin octobre, le chef des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique de la République islamique, le général Hossein Salami, avait déjà déclaré le samedi 29 octobre comme « la dernière journée des émeutes ».

Le point dans le 19h30 avec Armin Arefi, grand reporter pour Le Point

Juliette Galeazzi